Comment prendre en charge les patients atteints d'insuffisance cardiaque selon leur phénotype

La nouvelle mise à jour des lignes directrices de pratique clinique de la Société canadienne de cardiologie et de la Société canadienne d'insuffisance cardiaque (SCC-SCIC) est conçue pour fournir aux professionnels de la santé des informations pratiques sur certaines questions fondamentales relatives à la prise en charge de l'insuffisance cardiaque (IC). Elles concernent notamment le moment approprié pour l'introduction et l'optimisation des différentes classes de médicaments en fonction des phénotypes spécifiques des patients, les contextes dans lesquels les traitements de deuxième intention et les interventions valvulaires doivent être envisagés, et la manière de gérer les scénarios cliniques difficiles tels que le syndrome cardiorénal et la fragilité cardiaque. Cette mise à jour a été élaborée pour être utilisée en conjonction avec les directives existantes de la SCC-SCIC sur l'insuffisance cardiaque, avec l'intention d'aider les professionnels de la santé à appliquer le contenu des directives à des situations spécifiques rencontrées dans la pratique. Les patients atteints d'insuffisance cardiaque peuvent présenter des caractéristiques, des traits et des présentations cliniques différents, définis comme des phénotypes d'IC. La mise à jour de la SCC-SCIC décrit comment l'équipe soignante peut reconnaître les cinq phénotypes d'IC suivants et appliquer les directives actuelles pour la prise en charge de ces individus. 1. Le phénotype d'IC aiguë est le plus facile à gérer, en raison d'une pression artérielle systolique (PAS) élevée. Une tension artérielle plus élevée au moment de la consultation est liée à de meilleurs résultats. La plupart des patients souffrant d'insuffisance cardiaque aiguë présentent une surcharge volémique ou une redistribution du volume, avec des symptômes d'œdème pulmonaire, d'ascite et/ou d'œdème des membres inférieurs. Les symptômes peuvent être présents depuis quelques heures (dans le cas d'un œdème pulmonaire rapide) ou depuis des jours voire des semaines chez les patients qui décompensent lentement à domicile. La base du traitement initial reste les diurétiques de l'anse et/ou une combinaison de diurétiques de l'anse et de diurétiques thiazidiques. L'admission à l'hôpital est l'occasion d'instaurer rapidement un traitement médical conforme aux lignes directrices (ou GDMT, pour Guideline-directed medical therapy), c'est-à-dire un inhibiteur du récepteur de l'angiotensine et de la néprilysine (ARNi), soit en première intention, soit en remplacement d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine (IECA) ou d'un antagoniste du récepteur de l'angiotensine II (ARA II); un bêtabloquant; un antagoniste du récepteur des minéralocorticoïdes (spironolactone ou éplérénone); et un inhibiteur du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (SGLT2)1,2. 2. Le phénotype de l'IC dite de novo se présente avec l'apparition de nouveaux symptômes et de signes d'IC sans diagnostic antérieur ou documentation d'IC ou de dysfonctionnement du ventricule gauche. Les patients sont généralement plus jeunes et plus susceptibles de présenter un syndrome coronarien aigu. Ils sont également moins susceptibles de souffrir d'une maladie concomitante importante (diabète, bronchopneumopathie chronique obstructive, fibrillation auriculaire ou antécédents de maladie vasculaire, par exemple). La prise en charge nécessite l'introduction des quatre piliers du GDMT, tout en personnalisant l'ordre d'introduction des médicaments en fonction des caractéristiques biologiques et physiologiques de l'individu – voir la mise à jour des lignes directrices1 pour plus de détails. À lire aussi: De nombreux patients souffrant d'IC quittent l’hôpital sans la médication appropriée 3. Le phénotype aggravation de l'IC est généralement définie comme une aggravation des symptômes et des signes de l'IC nécessitant une intensification du traitement. Il est à l'origine de 5 à 42% des admissions à l'hôpital pour insuffisance cardiaque. Les causes les plus fréquentes sont l'ischémie, l'arythmie, le dysfonctionnement valvulaire, l'hypertension systémique ou pulmonaire, la surcharge volumique ou la rétention hydrique, les conditions de haut débit (infection, anémie, thyrotoxicose), les médicaments (AINS, inhibiteurs de la COX-2, thiazolidinediones) et les changements de médication de l'IC (par exemple, diminution des diurétiques, non-observance des médicaments). Il s'agit d'un marqueur de mauvais pronostic; les patients hospitalisés avec ce phénotype présentent un risque élevé d'évolution défavorable après la sortie de l'hôpital, des taux de réadmission élevés et un déclin rapide de la survie, près de 30% des patients décédant dans les deux ans. La première étape est l'optimisation du GDMT, bien que de nombreuses comorbidités (par exemple, l'insuffisance rénale chronique, la fragilité, l'hypotension) puissent limiter la capacité à mettre en œuvre le GDMT. Les thérapies de seconde ligne sont discutées dans la mise à jour des lignes directrices. 4. Le phénotype cardiorénal se présente généralement avec des signes et des symptômes de surcharge volumique; le soulagement de la congestion clinique étant l'objectif principal. La plupart des patients voient leur état s'améliorer rapidement grâce à un traitement diurétique intraveineux, mais environ 20% des malades hospitalisés ne voient pas leur état s'améliorer une fois qu'ils ont été stabilisés. Une approche de la prise en charge, incluant d'autres thérapies, est décrite dans la mise à jour des lignes directrices1. À lire aussi: La pharmacogénomique au service de l’insuffisance cardiaque 5. Le phénotype de l'IC avec critère de fragilité est caractérisé par une perte progressive de la réserve physiologique, qui se traduit par une diminution de l'énergie, de l'activité physique et des capacités cognitives. Il est associé à une morbidité et une mortalité accrues. Les patients sont difficiles à prendre en charge en raison du risque accru de chutes lié à la multimorbidité et à la polypharmacie, de l'accès réduit aux soins de santé en raison de la mobilité limitée, des problèmes d'autosoins et des hospitalisations fréquentes. Le GDMT a des effets hypotenseurs et/ou abaisseurs de la fréquence cardiaque, qui peuvent être difficiles à tolérer chez les patients dont les mouvements sont instables ou qui sont sujets aux chutes. Les doses de GDMT chez ces patients doivent souvent être inférieures aux doses cibles utilisées dans les essais cliniques. L'hypotension et le risque de chute peuvent être réduits en commençant le traitement par de petites doses et en augmentant très lentement la posologie en fonction de la tolérance (toutes les 2 à 4 semaines). Les horaires d'administration des médicaments doivent être espacés d'au moins plusieurs heures, afin que les effets antihypertenseurs maximaux ne se produisent pas simultanément. Il peut également être utile de modifier le moment de l'administration des médicaments, par exemple en donnant les médicaments ayant des effets vasodilatateurs plus importants au moment du coucher. La mise à jour des lignes directrices suggère d'inclure un pharmacien dans l'équipe multidisciplinaire de l'IC pour aider à résoudre les problèmes de polypharmacie, d'interactions médicamenteuses et d'adhésion aux médicaments, qui sont fréquents chez cette population. En résumé L'identification des différentes présentations phénotypiques chez les patients atteints d'IC est d'une importance cruciale pour l'adaptation ultérieure des thérapies visant à améliorer les symptômes et les comorbidités associées, à augmenter la durée de vie des patients et à améliorer leur qualité de vie.

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