CMQ: «Notre rôle est mal compris, y compris par les médecins»

Dr Mauril Gaudreault, président du Collège des médecins du Québec.Le Collège des médecins du Québec (CMQ) devrait déposer d'ici juin 2020 un premier plan stratégique en près de 10 ans, ce qui s’avérera le point d’orgue de la grande tournée qu’il a effectuée en 2019 et qui s’est terminée il y a quelques semaines.Le président du CMQ, le Dr Mauril Gaudreault, a partagé les premiers constats de cette consultation majeure, qui était une première pour le Collège et peut-être même pour l’ensemble des ordres professionnels au Québec. Dans l'entrevue accordée mercredi à ProfessionSanté.ca, le Dr Gaudreault dit avoir été frappé par l'incompréhension du rôle du Collège, tant de la part du grand public que de celle des professionnels de la santé, y compris des médecins.«J’ai été surpris par ce niveau de méconnaissance, admet-il. Les gens mêlent le Collège avec les fédérations médicales. Il y a beaucoup de confusion, de sorte que certaines parties de la population croient que nous protégeons davantage les médecins que la population. Je suis resté avec ça!»Ainsi, au cours des six prochains mois, le CMQ entend rédiger un premier plan stratégique, largement inspiré des constats qui seront inclus dans le rapport de la tournée, dont la diffusion est prévue vers la mi-février. L’adoption de ce nouveau plan stratégique par le conseil d’administration du Collège devrait avoir lieu en juin, précise le Dr Gaudreault.«Avec l’aide des médecins, avec le public et nos partenaires, nous allons dessiner le Collège de 2023», ambitionne-t-il.Parmi les espoirs que suscite en lui ce projet, il souligne celui d'apporter plus de distinctions le CMQ des fédérations syndicales de médecins, qui occupent à peu près tout l’espace public et médiatique dédié à la profession médicale depuis plusieurs années déjà. Pour cela, le Dr Gaudreault promet un exercice d’introspection de la part du CMQ. «Nous aurons à mieux définir notre responsabilité propre et notre mission. Ce sera notre devoir.»Au cours des derniers mois, le CMQ a rencontré ou consulté plus de 3000 personnes, dont au moins 1000 médecins et 1000 citoyens grâce à des sondages et des groupes de discussion de la firme SOM, et plus de centaines de personnes sur le terrain, notamment par le Dr Gaudreault lui-même. Parmi celles-ci, plusieurs chefs de file du milieu de la santé et de simples citoyens. Un groupe de travail, dont les membres représentaient à la fois la profession médicale et le public en général, a piloté le projet.«Nous avons été partout au Québec. Je suis originaire du Saguenay, alors il n’était pas question que cette démarche ne se concentre que sur Québec ou Montréal.»Bien qu’il note une certaine confusion quant au rôle et à la mission du CMQ, Mauril Gaudreault croit – par ce qu’il a entendu lors des multiples rencontres – que le public fait globalement confiance au Collège. Il ajoute que, paradoxalement, le public semble douter de sa capacité à le protéger. Les citoyens rencontrés et sondés ont entre autres déploré que le CMQ ne s’implique pas suffisamment dans les débats concernant l’organisation des soins.En d’autres mots, le CMQ n’intervient pas assez lorsqu’il y a, par exemple, un bris de service médical en région, lui a-t-on reproché. «Nous avons été frileux à cet égard», reconnaît le Dr Gaudreault.«Les Québécois apprécient la relation personnalisée qu’ils ont avec leur médecin. Mais là où nous semblons moins bien répondre à leurs attentes, c’est au sujet de notre éthique de responsabilité collective. En tant que profession, il va falloir que nous soyons plus proactifs de ce côté. Il faudra allier notre éthique de responsabilité individuelle avec une éthique de responsabilité collective, entre un groupe de médecins et une communauté de patients.»Cette critique ne vient pas seulement de la population, mais de la profession elle-même, fait valoir le Dr Gaudreault. «Même des médecins nous l’ont dit, nous devrons nous améliorer à ce sujet.»Les bons coups du CMQ ignorésLe CMQ a fait de grands pas en matière de collaboration interprofessionnelle avec les ordres d’autres professions actives en santé ces dernières années, mais ces efforts semblent être très peu connus du grand public, constate par ailleurs le Dr Gaudreault.Ainsi, les ententes intervenues notamment avec l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), l’Ordre des physiothérapeutes du Québec et l’Ordre des pharmaciens du Québec, fruits d’un travail sur le terrain de plusieurs années entre les autorités du CMQ et celles des autres ordres ont souvent été perçues par le grand public comme des reculs et de la résistance corporatiste de la part du CMQ.L'un des exemples les plus éloquents est survenu en février 2019, alors que la position du Collège au sujet de l’élargissement des pouvoirs cliniques et diagnostiques des infirmières praticiennes est passée du blanc au noir en quelques jours seulement. Or, le CMQ était déjà sur le point de s’entendre avec l’OIIQ. «Effectivement, c’est ressorti durant les consultations. Ça a peut-être été malhabile de ma part», plaide le Dr Gaudreault, visiblement déçu que l’ouverture du Collège et de la profession en général face aux autres professions de la santé ne soit pas davantage appréciée du public. «Nous devrons soigner davantage notre message à l’avenir.»Les médecins réclament plus d’égards de la part de leur CollègeSi les Québécois reprochent au CMQ de protéger davantage les médecins que les patients, les membres du CMQ accusent leur ordre professionnel d’être peu soucieux de leur vie professionnelle.«Nous les avons entendus, et cela va avec une médecine de qualité dont nous sommes les garants. Nous devrons prendre soin de nos membres. Pas que nous ne le fassions pas déjà, mais il devra y avoir des changements en ce domaine, c’est clair.»Cela pourrait mener notamment vers une plus grande valorisation de la profession. «C’est une demande des médecins eux-mêmes qui porte à réfléchir», dit le président du CMQ. Le Collège a été ainsi interpellé afin de se montrer plus intéressé par la santé des médecins.Le CMQ entend donner suite à cette demande, qui pourrait prendre la forme d’une plus grande collaboration avec le Programme d’aide aux médecins du Québec, illustre-t-il.

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