Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles: 50 ans au service des citoyens

Photographie: Christian LeducFondée en 1968, la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles est l’initiative d’étudiants en médecine, en soins infirmiers et en sociologie de l’Université McGill. Elle se voulait être la réponse au manque de soins et de services dans ce quartier montréalais – l’un des plus défavorisés de la ville à l’époque –, alors que l’assurance maladie québécoise n’avait pas encore été instaurée.En 1970, avec son statut d’organisme à but non lucratif officiellement reconnu, les résidants du quartier pouvaient désormais y bénéficier gratuitement de soins et de services en santé. Quatre ans plus tard, la Clinique fut reconnue comme organisme communautaire autonome répondant au mandat des nouveaux Centres locaux de services communautaires (CLSC) qui commençaient à être déployés dans tout le Québec.La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles dispose aujourd’hui d’un budget annuel d’environ huit millions $, qui provient principalement du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). En raison de son statut particulier, la Clinique ne relève d’aucun Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS), bien qu’elle travaille en étroite collaboration avec les établissements de santé de Montréal.Les célébrations pour le 50e anniversaire, d’une durée d’un an, se poursuivront jusqu’en juin 2019. Plusieurs événements ont été organisés au cours de l’année, incluant une grande fête qui s’est déroulée le 3 mai dernier. Stéphane Defoy, organisateur communautaire à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-CharlesUn statut précaireDès le départ, les décisions entourant la gestion de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles ont été assurées par un conseil d’administration constitué presque entièrement de résidants du quartier. Toute personne qui l’habite peut aussi devenir membre de la Clinique et, ainsi, avoir droit de vote à l’assemblée générale annuelle.Ce statut unique a souvent été menacé. Au début des années 1990, la Clinique a notamment été placée par le gouvernement et le ministre de la Santé Marc-Yvan Côté devant un choix difficile : conserver sa charte d’organisme communautaire « privé », et par conséquent perdre son permis de CLSC et le financement qui y était rattaché, ou devenir un CLSC et renoncer du même coup à sa charte et à son mode de fonctionnement communautaire.Il a fallu une mobilisation importante des citoyens du quartier pour que le gouvernement retire sa menace et protège la caractéristique unique de la Clinique.À l’avant-garde des débatsTout au long de ces 50 ans d’existence, cette mobilisation citoyenne et professionnelle a permis de placer la Clinique communautaire au cœur des grands débats de société du Québec sur l’accès à des soins publics de qualité.« Ce qui distingue la clinique, c’est cette compréhension du lien entre les conditions de vie des citoyens et leur état de santé », explique l’organisateur communautaire Stéphane Defoy.À titre d’exemple, le Comité de lutte en santé de la Clinique a fait partie des organisations qui ont fortement dénoncé le recours de la plupart des cliniques médicales à des frais accessoires jugés abusifs. Le Comité de lutte en santé a même créé un registre pour permettre aux patients de dénoncer ces frais.Les citoyens et les professionnels faisant partie du Comité revendiquent maintenant une plus grande couverture publique des soins en dentisterie dans le régime public et de certains examens de laboratoire. « On n’invente pas nos batailles, poursuit Stéphane Defoy, qui compte parmi les membres du Comité de lutte en santé. Lorsqu’on a de faibles revenus ou même des revenus moyens, les frais pour obtenir ces services sont exorbitants. Les citoyens nous le disent. » La Dre Annie McNicoll, médecin à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-CharlesDes soins de proximitéLa notion de services et de soins de proximité prend également tout son sens à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles. Le personnel de la Clinique met l’accent sur le soutien à domicile pour tous les citoyens ayant des incapacités chroniques ou ponctuelles. Ainsi, un chauffeur de minibus est disponible pour aller chercher les patients qui ont un rendez-vous médical, mais qui n’ont pas eu le temps de faire les démarches pour être admissibles au service adapté de la Société de transport de Montréal.« Les valeurs communautaires, l’engagement citoyen et la démocratie dans la structure elle-même sont bien représentés dans nos services », note le Dr Nicolas Demers, l’un des neuf médecins de famille qui y travaille à temps partiel.« La Clinique communautaire offre un cadre nous permettant de comprendre la complexité sociale du quartier et de bien connaître les familles qui le composent, car nous croisons sur la rue les grands-parents, les enfants et les petits-enfants, poursuit la Dre Annie McNicoll. Nous pouvons ainsi faire le pont entre différents événements médicaux qui peuvent survenir chez nos patients et adapter nos soins en conséquence. »Selon les deux médecins, le travail en interdisciplinarité a toujours fait partie de la fibre de la Clinique communautaire, où les infirmières, les travailleurs sociaux et les organisateurs communautaires mettent en place une multitude de services au bénéfice des citoyens. « Contrairement à ce que l’on retrouve dans un CIUSSS ou dans un CISSS, on ne dit pas aux patients d’appeler à tel ou tel département. On les dirige vers Nathalie, l’une des infirmières », illustre le Dr Demers. Le Dr Nicolas Demers, médecin à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-CharlesL’avenirBien que le modèle de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles soit difficilement reproductible dans le système de santé actuel, le Dr Demers est confiant qu’il va continuer d’avoir sa place dans l’offre de soins et de services de la métropole, et que les innovations vont s’y poursuivre encore longtemps.« La clinique compte sur une communauté soudée qui la soutient, estime-t-il. Grâce à cet engagement, les citoyens peuvent modeler les services pour qu’ils répondent à leurs besoins. »Cette flexibilité et ce cadre unique permettent à la Clinique d’être un véritable « incubateur de projets », poursuit Stéphane Defoy. Il donne l’exemple d’une maison de naissance qui pourrait voir le jour dans le quartier et de l’inclusion de sages-femmes au sein de l’équipe.Au cours des dernières années, le MSSS, de même que les trois Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux de Montréal ont d’ailleurs signifié leur appui à ce projet. Une preuve supplémentaire de la pertinence de la Clinique, un demi-siècle après sa création.

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