Cinq conseils pour bien choisir son système d'aide à la décision clinique en pharmacie

Le vieillissement de la population canadienne s'accompagne d'une augmentation de la consommation de médicaments. L'Institut canadien d'information sur la santé a constaté qu'une personne âgée sur quatre (25%) s'était vu prescrire 10 classes de médicaments ou plus en 20211-3. Ce chiffre passe à près de 40% pour les personnes âgées de plus de 85 ans. Un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans en 20363, ce qui pourrait encore aggraver le problème de la polypharmacie.La littérature souligne plusieurs conséquences de la polypharmacie, notamment une augmentation des problèmes liés aux médicaments (PLM), des réactions indésirables aux médicaments, des interactions médicamenteuses et de la non-observance, ainsi que des risques accrus de troubles cognitifs, de troubles de l'équilibre et de chutes, de morbidité et d'hospitalisation1,4,5.Ces préoccupations sont également au centre d'un récent rapport de Santé Canada sur l'utilisation appropriée des médicaments6. D’après celui-ci, «les médicaments sont conçus pour améliorer la santé des patients, cependant la prescription et l'utilisation inappropriée de médicaments sont susceptibles d'avoir un impact négatif sur les patients et d'entraîner des coûts considérables pour le système de soins de santé. Si elle n'est pas contrôlée, l'utilisation inappropriée peut être grave et entraîner des chutes, des fractures, des troubles de la mémoire, une perte d'autonomie, l'hospitalisation et la mort.»6À lire aussi: «La polypharmacie n'est pas un gros mot»: combiner les lignes directrices pour la dépression avec les nouvelles thérapiesLe rapport de Santé Canada indique également que «quelque 1,9 million de personnes âgées au Canada prennent régulièrement au moins un médicament qui leur a été prescrit de manière inappropriée. L'utilisation inappropriée de ces médicaments a un impact économique de 419 millions de dollars par an, soit plus de 1,4 milliard de dollars si l'on tient compte des visites à l'hôpital et de l'impact des autres méfaits.»Les pharmaciens sont particulièrement bien placés pour identifier les problèmes liés à la médication lors de la délivrance des médicaments et lors des bilans complets de médication. L'évolution des données probantes plaide en faveur de l'utilisation de systèmes d'aide à la décision clinique (SADC) pour assister les pharmaciens. Les SADC sont définis comme des programmes informatiques qui fournissent des invitations, des alertes et des rappels pour aider les pharmaciens à prendre des décisions au moment de l'examen et de la vérification des médicaments7, et qui permettent d'identifier des problèmes plus complexes liés aux médicaments dans la pratique.Plusieurs SADC sont disponibles et il est donc nécessaire d'aider les pharmaciens à faire le meilleur choix en fonction de leurs besoins. Voici cinq conseils à prendre en compte par les pharmaciens pour déterminer quels SADC peuvent être les plus utiles dans la pratique pour améliorer l'efficacité des bilans de médication.Tenir compte de la facilité d'utilisationLa plupart des logiciels de pharmacie disposent de rapports d'analyse clinique pour la vérification des allergies, des interactions médicamenteuses et alimentaires, des contre-indications médicamenteuses et pathologiques, des doublons thérapeutiques, des effets indésirables et de l'éventail des doses. Cependant, ces rapports doivent être générés séparément et sont lourds pour l'utilisateur.Les programmes de SADC qui sont faciles à utiliser, adaptables à plusieurs types de logiciels, et qui permettent de détecter plusieurs problèmes globaux avec un minimum de temps pour l'utilisateur final peuvent contribuer à améliorer l'identification des PLM complexes, en particulier chez les patients âgés polymédiqués8. Le SADC doit fournir une liste concise de problèmes à suivre par les pharmaciens et calculer automatiquement les scores de risque intégrés dans l'analyse du SADC.Choisir un SADC avec des outils validés et fondés sur des données probantesLes présentations ou syndromes gériatriques plus complexes pouvant être causés par des médicaments, tels que les chutes, les troubles cognitifs, le délire et les saignements gastro-intestinaux, sont difficiles à identifier. Ils résultent de nombreux facteurs et nécessitent souvent une évaluation à l'aide de scores validés ou d'algorithmes ou de recommandations déterminés par le risque9.Lorsqu'on envisage d'utiliser un SADC, il faut s'assurer de l'exhaustivité des informations et de leur pertinence pour la pratique et les populations de patients cibles, et vérifier si les algorithmes ou les outils sont fondés sur des données probantes, validés et adaptables en fonction de l'évolution des données probantes.À lire aussi: Les aînés prendraient encore trop de médicaments potentiellement inappropriésDeux des outils les plus couramment utilisés et les plus réputés sont les critères de Beers et les listes STOPP/Start, qui sont régulièrement mis à jour en fonction de l'évolution des données probantes10,11. Des échelles de charge anticholinergique qui identifient le risque composite de tous les médicaments causant des troubles cognitifs sont également disponibles en ligne12. Les directives du Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium (CPIC) fournissent une liste de médicaments pour lesquels des informations pharmacogénétiques sur les médicaments sont disponibles pour l'interprétation13. Le rapport de Santé Canada fait également référence à d'autres ressources telles que Choisir avec Soin Canada14, les recommandations du Réseau canadien pour l’usage approprié des médicaments et la déprescription15 et les pratiques de déprescription16. Avant l'achat, les pharmaciens doivent vérifier si l'un ou l'ensemble de ces outils sont déjà (ou peuvent être) intégrés au SADC.Confirmer que le SADC est à la fois complet et adaptableBien qu'il soit important d'obtenir une liste complète de tous les problèmes liés aux patients, il peut également être utile de disposer d'un outil pouvant être adapté à des paramètres spécifiques dans certaines situations. De bons exemples seraient l'identification des médicaments qui augmentent le risque de chute17, les médicaments à éviter dans certaines populations de patients ou certains états pathologiques10, ou les médicaments auxquels sont associées des lignes directrices et des recommandations pharmacogénomiques18.Un SADC qui fournit une approche standardisée de l'état pathologique pour révéler les facteurs de risque de polypharmacie et catégoriser les médicaments en fonction de l'état pathologique serait utile. Actuellement, la plupart des médicaments figurant dans les bilans de médication sont imprimés de manière aléatoire par le logiciel de la pharmacie, sur la base des données de remplissage les plus récentes.Veiller à ce que les données de laboratoire clinique et les états pathologiques soient intégrés dans le SADCUn SADC complet intégrant les données de laboratoire clinique serait utile dans le cas de l'identification des médicaments nécessitant un dosage rénal19, et de l'évaluation des scores de risque pour l'allongement de l'intervalle QT et la surveillance des électrolytes. Un SADC qui prend en compte les états pathologiques peut aider à identifier les médicaments qui présentent un risque faible ou élevé. Un exemple est l'utilisation d'antipsychotiques à faible risque, si nécessaire, chez les patients atteints de la maladie de Parkinson.Utiliser les compétences cliniques et le SADC pour collaborer avec d'autres prestataires de soins de santéBien que le SADC puisse fournir une liste complète de problèmes potentiels à traiter par les pharmaciens, les résultats doivent être examinés en fonction de leur pertinence clinique. Les cliniciens formés doivent comprendre les composantes des différents outils d'application et d'interprétation, car il est nécessaire d'identifier les PLM potentiels par rapport aux PLM réels en collaboration avec les patients, les soignants et les prestataires de soins de santé primaires.À lire aussi: Déprescription: comment préserver la relation médecin-pharmacien?Une étude récente de pharmaciens communautaires utilisant un SADC complet (QMR20) en Ontario pendant les revues de médicaments a montré que bien que le SADC fournisse une liste complète de problèmes liés aux médicaments, il peut surestimer les PLM potentiels qui pourraient être considérés comme cliniquement insignifiants.8 Ces résultats soulignent la nécessité et l'importance de coupler les revues de médicaments soutenues par le SADC avec une observation, une interprétation et un jugement cliniques formés pour évaluer ce qui est le mieux pour les résultats des patients et (le cas échéant) de leurs soignants.11,21,22RésuméLa réalisation de bilans complets de médication est un excellent moyen pour les pharmaciens communautaires de contribuer à l'amélioration des soins aux patients. L'utilisation du SADC pendant les bilans de médication a démontré des avantages pour la pharmacothérapie. Les outils de SADC ont été utilisés pour aider les pharmaciens à recommander la réduction de la polypharmacie et des médicaments induisant un risque de chute, à fournir un dosage rénal et un soutien à l'évaluation pharmacogénomique avec des résultats positifs.4,8,18,19,21,22 L'utilisation d'un outil de SADC complet permet de gagner du temps et d'identifier un plus grand nombre de PLM.8,22Karen Riley (kdrileypharmd@gmail.com) est pharmacienne communautaire et hospitalière, professeure de pharmacie et pharmacienne consultante pour K. D. Riley Pharmacist Professional Corporation. L'expertise de Karen s'étend sur 41 ans de pharmacie et se concentre sur la fourniture de soins pharmaceutiques à ses patients dans la pratique communautaire et hospitalière, l'enseignement, le conseil et la défense de la pharmacie sur le plan professionnel.Références:Institut canadien d'information sur la santé. Hospitalisations liées aux réactions indésirables aux médicaments chez les personnes âgées, de 2006 à 2011. Accessible en ligne: https://publications.gc.ca/site/eng/9.605679/publication.html (consulté le 13 août 2024)Ramage-Morin PL. Statistiques Canada. Consommation de médicaments chez les Canadiens âgés. Rapports sur la santé. 2009;20(1):37-43. Accessible en ligne: https://www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/82-003-x/82-003-x2009001-fra.pdf (consulté le 13 août 2024)Statistiques Canada. Regard sur la démographie canadienne. Deuxième édition. 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