Bas-Saint-Laurent: quand la pénurie de médecins fait émerger des solutions innovantes

Les idées bouillonnent et les initiatives se multiplient dans la région pour faire face au manque de médecins. «La communauté médicale du Bas-Saint-Laurent est serrée. On se connait, et la pratique est à dimension humaine», relate le Dr Éric Lavoie, chef du DRMG du Bas-Saint-Laurent. Même dans les deux pôles, les équipes de médecins de famille sont plutôt petites: environ 75 médecins de famille œuvrent à Rimouski, et 45 à Rivière-du-Loup. Le nombre de médecins dans la région reste stable depuis les dernières années, comme sa population, et le recours à la main-d’œuvre indépendante est moins important que dans plusieurs autres régions. «On est quand même en pénurie, mais nos médecins travaillent fort et on donne une accessibilité enviable», note le Dr Lavoie, qui précise que certaines régions ont plus de besoins que d’autres. Les équipes se serrent les coudes et planchent sur des solutions innovantes pour donner les meilleurs soins possibles à sa population. Tirer son épingle du jeuMême s’il est affecté, comme toutes les régions, par la pénurie de médecins et d’autres professionnels de la santé, le Bas-Saint-Laurent tire tout de même bien son épingle du jeu, et fait preuve d’imagination pour favoriser l’accès aux soins de santé à la population. C’est ici que le concept du guichet d’accès à la première ligne (GAP) est né. «On nous avait demandé de vider les guichets, mais il y avait une saturation dans ce que les médecins étaient capables d’endosser, se souvient le Dr Lavoie. On voulait s’assurer que ce soit les bonnes personnes qui consultent un médecin. C’est ça le GAP, c’est de mettre un filtre.» Le GAP — qui a ensuite été adopté dans toute la province — a ainsi démontré que la moitié des patients qui pensaient avoir besoin d’un médecin pouvaient en fait être redirigés vers un autre professionnel (pharmaciens, IPS, etc.). «On priorise les patients les plus vulnérables, pour s’assurer qu’ils aient un suivi approprié», ajoute le Dr Olivier Groulx, qui fait partie du comité de direction du DRMG et responsable de la coordination du guichet d’accès. Il faut donc mettre à profit toutes les disciplines: «Il y a de gros défis qui s’en viennent. La collaboration interprofessionnelle devient la clé pour rendre les services de qualité aux patients», croit le Dr Groulx.Dans le même ordre d’idée, le projet-pilote Accès populationnel intégral (ou API) vise à répartir la force de travail de façon globale. Dans un contexte où les médecins ne peuvent prendre en charge l’ensemble de la population, il faut sortir des murs des cliniques. «Les pharmaciens communautaires, les physiothérapeutes, les optométristes, les travailleurs sociaux… Tous ces gens font partie de la première ligne. Il faut penser à l’intersectoriel — les écoles, les organismes communautaires — qui a aussi une offre de services en première ligne», remarque le Dr Lavoie. Une école pourrait par exemple mettre ses équipements à la disposition de la population la fin de semaine pour faire bouger les gens. «Au-delà de suivre un nombre x de patients, qu’est-ce qu’on peut offrir à ceux qui ne sont pas suivis? Je crois que l’avantage d’une région comme la nôtre, c’est qu’on est sensible à l’approche populationnelle», estime le Dr Groulx. Cette approche conçoit la santé comme un écosystème, plaçant la population et le patient au centre, et redonnant la capacité à la communauté de s’organiser. Continuité de services«Dans la région, les médecins de famille font vraiment une prise en charge populationnelle», souligne la Dre Gabrielle Gagnon, qui dirige le programme de doctorat en médecine du campus de l’Université Laval à Rimouski. Les médecins de famille, comme dans toutes les régions, portent plusieurs chapeaux: «Il y a plus de responsabilités, en plus de la possibilité de s’investir davantage avant d’impliquer les spécialistes», poursuit le Dr Olivier Groulx, originaire de la Rive-Sud, qui a choisi la région comme lieu d’attache. Le médecin de famille a établi sa pratique à Saint-Fabien, petit village à une trentaine de kilomètres de Rimouski.À Trois-Pistoles, où le Dr Lavoie pratique, «la première ligne est vraiment intégrée»: on retrouve sous le même toit le GMF-U (dont il est directeur), une urgence ouverte 24h, et un CHSLD. Les professionnels peuvent rapidement solliciter l’opinion d’un collègue, et les patients n’ont pas besoin de se déplacer dans différents endroits si un autre test s’avère nécessaire. «L’infirmière a un plateau technique, elle peut faire une prise de sang sur le champ au besoin. Ça assure une qualité de prise en charge, malgré le fait que la population de la MRC est l’une des plus âgées au Québec», constate le Dr Lavoie. Les médecins de famille font souvent des tournées à l’hôpital, ce qui facilite le suivi lorsque le patient retourne dans son milieu. «C’est important que les fils soient attachés», affirme la Dre Gagnon. Cette continuité relationnelle a un impact positif sur la santé des populations, diminue les admissions dans les urgences, et les taux d’hospitalisation.Et si le reste du Québec s’inspirait des régions comme Rimouski? Que ce soit à l’échelle du quartier, d’une rue, «Il faut trouver une façon de retrouver un aspect communautaire et une gestion à dimension humaine», conclut le Dr Lavoie.Ce reportage a été rendu possible grâce aux bourses d’excellence de l’Association des journalistes indépendants du Québec (AJIQ).

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