Au CHUM, une procédure inédite et peu invasive pour traiter les anévrismes de l’aorte abdominale

Chaque année, environ 20 000 Canadiens et Canadiennes sont diagnostiqués avec un anévrisme de l'aorte abdominale (AAA), et plus de 1200 en décèdent. Aux États-Unis, elle constitue la 13e cause de décès chez les personnes âgées de plus de 60 ans. Depuis 2023, l’équipe du Dr Philippe Charbonneau, chirurgien vasculaire et co-directeur du Centre aortique du Centre hospitalier universitaire de Montréal (CHUM), traite les AAA grâce à un laser endovasculaire, une pratique inédite au Québec qui permet d’éviter une chirurgie ouverte et de sauver des patients qui n’auraient pas pu survivre autrement. Profession Santé a rencontré le Dr Charbonneau pour comprendre le principe et les avantages de cette expertise.Comment sont traités les anévrismes de l’aorte abdominale en temps normal? Il faut savoir qu’on n’intervient généralement pas sur un anévrisme abdominal ou thoracique, qui est une dilatation anormale de l’aorte de moins de 5,5 cm, selon les facteurs de risque du patient et la région de l’aorte qui est concernée. La majorité du temps, on les découvre assez tôt et on les surveille. Si on doit intervenir, soit parce que l’anévrisme est trop important, soit parce que la rupture de l’anévrisme a déjà eu lieu, il y a deux possibilités. Pour la majorité des patients rendus au diamètre approprié ou en voie de rupture, on opère par chirurgie ouverte, soit par le ventre, soit par le thorax, voire les deux – 90% des anévrismes de l’aorte se situent au niveau de l’abdomen. À lire aussi: Nouvelle chirurgie cardiaque à l'Hôpital du Sacré-Coeur-de-MontréalL’autre procédure, beaucoup moins invasive, est une intervention endovasculaire par les deux aines. Plus de 80% des patientes et patients ayant un anévrisme de l’aorte abdominale ou thoracique y sont candidats. Elle est réalisée sous anesthésie locale et permet de traiter l’anévrisme abdominal de façon percutanée, via deux petites incisions de 4 à 5 cm. On fait passer nos instruments et l’endoprothèse aortique par une gaine et on referme avec un petit point. Cette intervention a été un vrai «game changer». Quelle différence pour le patient? La chirurgie ouverte est une procédure très lourde pour les patients, qui se réveillent avec une épidurale dans le dos, un tube dans le nez, des douleurs au ventre car le transit intestinal est un peu déséquilibré. Ça prend environ trois à six mois pour se rétablir complètement. Tous les patients ne remplissent pas les conditions pour être opérés, soit à cause de leur âge, soit de leur condition médicale. Concernant l’intervention endovasculaire, elle présente moins de complications et moins de temps d’hospitalisation. Les patients sortent le lendemain voire la journée même de l’intervention, au lieu d’une semaine avec une chirurgie ouverte. Les patients apprécient plus et tolèrent mieux cette intervention. Mais là encore, tous ne sont pas de bons candidats, notamment les plus jeunes ou ceux dont l’anatomie n’est pas adéquate. Qu’est-ce que le laser endovasculaire apporte de plus? Les endoprothèses que nous déployons autour de l’aorte sont pour la plupart fabriquées sur mesure en Australie, et adaptées à l’anatomie du patient. Leur fabrication prend une à deux semaines, sans compter le transport. Donc en cas d’urgence, elles ne sont pas accessibles. Et ce type de prothèse n’est pas toujours compatible avec une anatomie complexe. L’intérêt du laser endovasculaire est que nous allons pouvoir personnaliser nous-mêmes la prothèse à l’intérieur du patient en temps réel sans avoir besoin d’ouvrir son abdomen ou son thorax. On insère la fibre laser en même temps que la prothèse, et on se sert d’une image scan réalisée en préopératoire. Le laser va ensuite nous permettre de perforer la prothèse de manière ciblée pour laisser passer les vaisseaux, même les plus fins, et d’assurer l’irrigation des reins et du tube digestif notamment. À lire aussi: Une cardiologue mobileGrâce à ce laser, on peut désormais sauver des patients qui n’auraient pas pu être opérés. Par exemple, un patient septuagénaire est arrivé en urgence, déjà en choc. Il avait subi de multiples chirurgies thoraciques abdominales par le passé. On a pu intervenir avec le laser sous anesthésie locale sans l’intuber. Je dirais que 95% des patients en urgence que nous avons opéré avec le laser ont survécu. C’est un espoir supplémentaire. L’intérêt est de repousser les limites anatomiques du patient et d’améliorer la précision de l’intervention. Pourquoi ce laser n’est-il pas davantage utilisé selon vous? Il faut savoir que le traitement des anévrismes de l’aorte n’était pas son but premier. Cette machine existe depuis des années, et elle est principalement utilisée par les cardiologues pour extraire les sondes pacemakers prises dans le cœur. Il y en a quelques-unes au Canada, mais nous ne sommes que deux hôpitaux, avec celui de Toronto, à avoir acquis l’expertise pour les utiliser dans un contexte endovasculaire.Je me suis formé à cette technologie en 2019-2020 à Paris, auprès des Pr Stéphan Haulon et Dominique Fabre, deux pionniers. Nous avons ensuite développé cette expertise au sein du CHUM avec mon confrère Jean-François Blair (NDLR: chirurgien vasculaire), ainsi que Stéphane Elkouri (NDLR: Chef Service de chirurgie vasculaire) et Jessica Forcillo (NDLR: chirurgienne cardiaque), afin d’en faire profiter plusieurs services. Sa portée est multidisciplinaire. Tout cela a été possible car nous sommes un centre de référence national et que nous avons un volume constant de ce type de pathologie complexe. Prévoyez-vous de nouvelles utilisations de ce laser dans le futur?L’année dernière, nous avons permis à une patiente septuagénaire de recevoir un traitement de la crosse aortique par voie endovasculaire complète avec laser. C’est normalement un traitement qui nécessite une chirurgie ouverte. C’était une première au Canada, et nous sommes très fiers et très heureux de cette expérience. Ça promet de belles choses pour l’avenir. Les propos du Dr Philippe Charbonneau ont été édités pour en assurer la clarté et la concision.

Au CHUM, une procédure inédite et peu invasive pour traiter les anévrismes de l’aorte abdominale

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