Après la négociation avec les médecins, au tour des pharmaciens?

À la suite de mes deux précédents blogues sur la loi 2 et les réformes dans le milieu de la santé, il est probablement temps de se parler d'argent en pharmacie.L'entente de travail qui lie l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec (APES) est échue depuis le 31 mars 2023. Celle liant l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires (AQPP) l’est depuis le 31 mars 2025.C'est donc dire que les principales associations professionnelles des pharmaciens devront renégocier leurs conditions de rémunération avec le gouvernement du Québec dans les prochains mois.Dans le contexte de la difficile négociation du ministre de la Santé avec les médecins, il y a lieu de se poser beaucoup de questions sur les objectifs que Christian Dubé a face à la profession de pharmacien et aux moyens qu'il souhaite mettre en œuvre pour les atteindre. De plus, si je comprends bien son message, le ministre de la Santé souhaite interpeller les professions paramédicales pour assurer la prise en charge de certains patients. Cela se ferait par le biais d'un guichet de triage.Pour assurer l’atteinte de cet objectif, le ministre mise sur un changement du mode de rémunération des médecins afin de favoriser un mode à capitation. Ce mode implique qu'une enveloppe budgétaire serait versée aux médecins de famille, dans le but qu’ils redirigent les patients vers d’autres professionnels afin de recevoir des soins.Ainsi, si je comprends bien le changement souhaité, cela voudrait dire qu'un pharmacien communautaire facturerait le médecin référent pour qu'il soit payé à même l'enveloppe de la capitation. Vous y croyez? Moi pas.La rumeur veut que les règlements découlant du PL 67 ne seront adoptés que lorsque les négociations avec l’AQPP auront été ficelées. Ce serait évidemment souhaitable, puisque cela permettrait aux pharmaciens communautaires du Québec d'offrir les soins permis par l'élargissement de la loi sur la pharmacie, tout en recevant la rémunération qui y serait associée.Tous seront d'accord pour dire que le bénévolat n'est pas la meilleure stratégie pour déployer une nouvelle offre de services, même si notre profession a déjà joué dans ce mauvais film dans le passé.Les enjeux pour la pharmacie communautaire sont donc d'obtenir une rémunération juste, équitable et compétitive afin d’offrir les services sans perte. Dans le contexte de la loi 2 et de la négociation avec les médecins, devrait-on envisager une enveloppe supplémentaire pour que les pharmaciens puissent être payés lorsqu'un patient est dirigé en pharmacie à la suite du triage au lieu de voir son médecin de famille? Ce serait là un changement de paradigme extrêmement important pour la rémunération des pharmaciens.L'enjeu est de taille à de nombreux niveaux, puisque la négociation d'honoraires pour des services professionnels non liés à la distribution de médicaments est relativement récente et il est probable que le niveau de rémunération pour certains actes soit actuellement en dessous de leur valeur réelle.De plus, il est passablement exceptionnel que les ententes soient renégociées et convenues avec le gouvernement dans l'année suivant leur échéance. En général, le gouvernement prend son temps. Cependant, avec une dose d'optimisme et une paire de lunettes roses, on peut penser que le moment pourrait être favorable. L'autre hypothèse serait de majorer le budget attribué aux pharmaciens exerçant en GMF pour effectuer cette tâche. Il faudra donc avoir des discussions plus en profondeur afin de déterminer si le patient doit être évalué et pris en charge par un pharmacien en GMF ou par un pharmacien communautaire.Du côté des pharmaciens d’établissementDu côté de l’APES, l'entente est échue depuis plus de deux ans et de nombreux enjeux devraient teinter cette négociation.Tout d'abord, le niveau de la rémunération horaire des pharmaciens d'établissement, même en tenant compte des bénéfices marginaux, est relativement peu compétitif dans le marché de la pharmacie au Québec. La dernière négociation a amélioré un peu la situation en ajoutant quelques primes, mais elle ne constitue pas un ajustement suffisant et surtout ne représente pas le niveau de formation, de responsabilité et la valeur salariale juste des pharmaciens.Probablement en partie en lien avec ce premier constat, le nombre de postes vacants à la maîtrise en pharmacothérapie avancée donnant accès à la pratique en établissement de santé est particulièrement inquiétant. Il témoigne d'une baisse d'intérêt et de l’attractivité envers la pratique en établissement de santé, et ce, malgré le fait que le nombre d'inscriptions totales au Pharm. D. ait été majoré. Ainsi, de façon relative et absolue, le nombre de pharmaciens se dirigeant vers la pratique en établissement semble en diminution.De plus, avec la crise que vit le réseau de la santé d'une part, et les nouvelles possibilités qu’offrent le PL 67 aux pharmaciens d'établissement de l’autre, ces derniers pourraient être des atouts majeurs pour améliorer la fluidité à l'urgence, pendant les hospitalisations et lors du congé des patients. Tout cela en améliorant également la qualité de l’utilisation des médicaments et en diminuant le nombre d’événements médicamenteux indésirables. Pour atteindre ces objectifs, il faut toutefois s'assurer d'avoir des effectifs suffisants pour assurer la couverture dans l'ensemble des établissements de santé du Québec. Ce n'est actuellement pas le cas, et il y a fort à parier qu'avec la diminution des inscriptions aux programmes de maîtrise, le simple maintien des programmes de soins actuels est probablement en péril. De plus, le gouvernement tente de contenir les investissements qu'il fait dans le réseau des établissements de santé du Québec, et il est actuellement extrêmement difficile, voire impossible, de déployer de nouveaux programmes. Pourtant, les ressources humaines en général, et dans le cas des pharmaciens en particulier, constituent la clé de l'offre de service dans le réseau de la santé.Le gouvernement doit donc être cohérent et financer à sa juste valeur l'ensemble des soins et services pharmaceutiques tant en milieu communautaire qu'en établissement de santé. Dans le cas spécifique des établissements de santé, le nouveau joueur qu'est Santé Québec n'a pas encore fait connaître ses orientations quant à l'offre de soins et services pharmaceutiques qui devrait être disponible. Il est donc difficile de spéculer sur les orientations globales du gouvernement à l’heure actuelle.Malgré tout, le constat est malheureusement clair: l’ensemble des soins pharmaceutiques au Québec sont sous-financés. C’est le genre de paradigme que le Conseil du Trésor, grand argentier du gouvernement, n’apprécie pas particulièrement.La présidente du Conseil du Trésor n’est pas à même d’établir les orientations du réseau de la santé en matière de soins et services pharmaceutiques. Ce sont aux autres acteurs en position pour le faire qui devront être vocaux, soit le ministère de la Santé, Santé Québec et l’Ordre, qui a la responsabilité d’assurer la protection du public.Malheureusement, les pharmaciens d'établissement constituent un petit groupe et sont relativement peu connus du public. La pression populaire étant souvent un gage de pression politique, il est certainement plus difficile de mobiliser la population en leur faveur. La population devrait toutefois savoir qu’on la prive de certains soins.Les enjeux sont donc de taille et le contexte actuel, apparemment favorable aux pharmaciens communautaires, le semble beaucoup moins pour les pharmaciens d'établissement.La bataille ne sera pas facile, mais encore ici, la mobilisation des pharmaciens et des autres acteurs du réseau de la Santé en faveur d’une réorganisation de l’ensemble du réseau pour en augmenter l’efficacité, serait gage d’une force de frappe significative.Je pense encore qu’une coalition de médecins et de pharmaciens, qui sont les principaux professionnels payés par la RAMQ, devrait être formée si on veut réformer le système de santé et être payés pour nos services. Nous sommes toujours plus forts ensemble.

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Derrière ce blogue:

Marc Parent

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