Alopécie chez la femme: repérer, diagnostiquer, traiter

La perte de cheveux chez les femmes occupe une place croissante en clinique. L’évaluation demeure pourtant complexe. Un article de pratique clinique du New England Journal of Medicine vient clarifier les repères diagnostiques. Son auteure, la dermatologue Elise A. Olsen, professeure au Duke University Medical Center, dirige un programme de référence en troubles du cuir chevelu. Elle rappelle que l’alopécie à motif féminin (female-pattern hair loss, FPHL) est «la cause la plus fréquente de perte de cheveux chez les femmes», touchant jusqu’à 56% des patientes après 70 ans.Si le NEJM s’y attarde, c’est que le diagnostic demeure difficile en première ligne. Dès les premières semaines, une FPHL peut mimer un effluvium télogène ou une alopécie cicatricielle débutante. «La plupart des patientes arrivent après plusieurs mois, parfois plusieurs années, d’inquiétude non résolue», note la Dre Olsen. Or, plus la miniaturisation folliculaire progresse, plus les marges thérapeutiques se resserrent.Repérer le motif clinique reste essentiel: diminution centrale, élargissement de la raie et ligne frontale préservée. Deux schémas dominent: progression centrale ou motif en «arbre de Noël». La trichoscopie montre une variation du diamètre et des ostias conservés, signe d’un processus non cicatriciel. Cette hétérogénéité du calibre - parfois plus de 20% de cheveux miniaturisés - est un critère majeur. «Les caractéristiques majeures sont un motif centré sur le vertex et la préservation des ostias folliculaires», résume la dermatologue. En cas de doute sur une forme cicatricielle, une biopsie ciblée peut lever l’ambiguïté: un ratio terminal/vellus abaissé et une diminution de la durée d’anagène orientent vers la FPHL, alors qu’une disparition des ostias et une fibrose périfolliculaire suggèrent une alopécie cicatricielle.Le bilan, lui, doit rester ciblé. La Dre Olsen rappelle que la majorité des femmes atteintes n’ont «aucun signe clinique ou biologique d’excès androgénique». Le dosage des androgènes n’est donc indiqué qu’en présence d’hirsutisme, de cycles irréguliers ou d’acné sévère. Les tests réellement utiles sont limités: hémogramme, ferritine, vitamine D, TSH et T4 libre. L’examen des traitements en cours est tout aussi essentiel: les anti-œstrogènes, certains progestatifs et les suppléments à activité androgénique peuvent amplifier la perte. Dans les contextes complexes (post-partum, stress aigu, maladie systémique), un effluvium télogène concomitant n’est pas rare.À lire aussi: Perte de cheveux et nutrition: ce que dit vraiment la scienceMinoxidil topiqueLa Dre Olsen rappelle que les traitements sont d’autant plus efficaces qu’ils sont initiés tôt. Le minoxidil reste l’option de première ligne: solution à 2% deux fois par jour ou mousse à 5% une fois par jour. Dans les essais, l'état de plus de la moitié des patientes s’améliore après 48 semaines, avec un gain en densité et en calibre. La solution à 5% appliquée deux fois par jour, bien que non approuvée chez les femmes, peut offrir une efficacité supérieure, notamment chez les patientes jeunes ou lorsque la miniaturisation est marquée. Le «shedding» initial - une chute transitoire liée à la synchronisation du cycle pilaire - est fréquent et doit être expliqué. «Il s’agit d’un signe positif, non d’une aggravation», insiste la Dre Olsen. L’adhérence demeure le principal obstacle: les résultats tardifs, la texture du produit et l’application quotidienne compliquent souvent le maintien à long terme.Minoxidil oral à faible doseLe minoxidil oral à faible dose, prescrit hors indication, gagne du terrain lorsque le topique est mal toléré ou insuffisant. Une étude randomisée montre qu’un dosage de 1 mg par jour est «au moins aussi efficace» que la solution à 5%, avec une meilleure adhérence. Les effets indésirables sont généralement modestes: hypotension légère, tachycardie réflexe, œdème ou hypertrichose, cette dernière touchant jusqu’à 15% des patientes. En pratique, les doses varient entre 0,625 mg et 2,5 mg par jour. Une titration progressive, notamment chez les patientes à tension basse ou prenant des antihypertenseurs, réduit les risques. L’association minoxidil oral et topique peut aussi être envisagée dans les formes avancées.AntiandrogènesLes antiandrogènes ont leur place chez les femmes présentant des signes d’hyperandrogénisme. La spironolactone reste la plus utilisée, à des doses de 50 à 200 mg par jour. Elle est particulièrement utile chez les patientes avec SOPK ou cycles irréguliers. Les molécules plus puissantes, comme le bicalutamide ou le flutamide, exposent à des risques hépatiques qui en limitent l’usage prolongé. Ces traitements nécessitent une contraception fiable et un suivi clinique régulier. La réponse peut être lente et se manifeste surtout par une stabilisation de la perte plutôt qu’une repousse nette.À lire aussi: Les dermatologues passent les brosses à cheveux au peigne finInhibiteurs de la 5-alpha-réductaseLes inhibiteurs de la 5-alpha-réductase sont surtout utiles après la ménopause. Le finastéride à 1 mg n’a pas montré d’efficacité chez les femmes. Les doses de 2,5 à 5 mg donnent de meilleurs résultats, au prix d’un risque tératogène. Le dutastéride à 0,5 mg, actif sur deux isoformes enzymatiques, semble plus efficace mais demeure hors indication. Pour certaines patientes post-ménopausées avec FPHL marquée, il peut offrir un bénéfice additionnel. Dans tous les cas, «ils doivent être prescrits chez des patientes soigneusement sélectionnées», souligne la Dre Olsen.Procédures adjuvantesPlusieurs approches procédurales peuvent compléter la pharmacothérapie. Le PRP améliore diamètre et densité dans plusieurs essais. Le microneedling - micro-perforations destinées à stimuler la régénération folliculaire - peut renforcer l’effet du minoxidil, notamment dans les zones très miniaturisées. Les dispositifs de photobiomodulation, comme les casques à lumière rouge (LLLT), offrent un gain modeste mais reproductible. «Utile en thérapie combinée», résume la Dre Olsen, qui rappelle qu’aucune de ces approches ne remplace les traitements de fond.En première ligne, l’enjeu reste d’agir tôt et d’ajuster progressivement. Expliquer les délais d’action, clarifier les objectifs et revoir la patiente régulièrement permet de structurer la prise en charge. L’évaluation photographique standardisée et la documentation des traitements déjà tentés facilitent le suivi. Cette approche, soutenue par les repères proposés par la Dre Olsen, aide à réduire l’incertitude et à offrir un parcours thérapeutique plus clair à des patientes pour qui la perte de cheveux demeure une source réelle d’anxiété.Référence: Elise A. Olsen. Hair Loss in Women. NEJM. Publié en ligne le 15 octobre 2025. DOI: 10.1056/NEJMcp2412146

Alopécie chez la femme: repérer, diagnostiquer, traiter

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

Catégories connexes