Aide médicale à mourir: le médecin traitant peut être le deuxième médecin, assure le Collège

Le ministre de la Santé Gaétan BarretteLe 27 octobre, le ministre de la Santé a déposé à l’Assemblée nationale du Québec le premier rapport de la Commission des soins de fin de vie.On y apprend qu’en plus des 166 cas où l’aide médicale à mourir a été administrée entre le 10 décembre 2015 et le 30 juin 2016, elle l’a été aussi une fois à domicile. Au total, dans les neuf premiers mois de l’application de la Loi concernant les soins de fin de vie, l’aide médicale à mourir a été administrée au moins 262 fois. C’est en effet le nombre de formulaires qu’a reçu la Commission des soins de fin de vie au 31 août dernier.À la suite de ses premières vérifications, la Commission estime que dans la majorité des cas (85 % ) l’aide médicale à mourir a été administrée selon les critères de la Loi.Les révisions de l'aide médicale à mourir (AMM) par la Commission des soins de fin de vie262 formulaires d’administration d’AMM reçus par la Commission entre le 10 décembre et le 31 août 2016198 formulaires évalués par la Commission94 demandes d’informations supplémentaires148 décisions rendues21 cas où l’une des exigences de la loi n’était pas respectée, soit l’indépendance du second médecin consulté (18 cas), la fin de vie (2 cas) et l’atteinte d’une maladie grave et incurable (1 cas).Au final, sur les 198 formulaires que la Commission a eu le temps de réviser, il y a trois cas où l’information inscrite sur les formulaires pouvait laisser croire que les AMM n’auraient pas dû être administrées. Dans un cas, les données ne permettaient pas aux membres de la Commission de conclure que la personne était atteinte d’une maladie grave et incurable. Dans deux autres cas, la Commission s’est demandé si les personnes étaient bien en fin de vie. Ces dossiers ont été envoyés au Collège des médecins qui les vérifie actuellement, de même que 18 autres demandes jugées non conformes à la Loi, car elles ne respectaient pas le critère d’indépendance du deuxième médecin. La Loi prévoit en effet que le médecin consulté pour réviser la demande d’aide médicale à mourir, doit être «indépendant, tant à l’égard de la personne qui demande l’aide médicale à mourir qu’à l’égard du médecin qui demande l’avis».À la recherche d’un médecin indépendantCela veut dire qu’il ne peut y avoir un lien hiérarchique de subordination entre les deux médecins, de relation familiale avec la personne en fin de vie ou avec le médecin, ou encore une relation thérapeutique suivie avec le patient, précisait le Collège des médecins du Québec (CMQ) dans son Guide d’exercice sur l’aide médicale à mourir. Cela peut cependant poser problème dans certains petits milieux, où les médecins travaillent tous ensemble. De plus, un patient peut avoir été soigné par la plupart d’entre eux.Dans plusieurs milieux, il y a aussi trop peu de médecins qui acceptent d’administrer l’aide médicale à mourir. Plusieurs médecins sont prêts à signer le dossier d’un de leurs patients qui demande l’aide médicale à mourir, mais ils ne veulent pas l’administrer eux-mêmes. Or, selon l’interprétation de plusieurs, dont la Commission des soins de fin de vie, comme ils sont le médecin traitant de ces patients, ils ne peuvent pas être «le deuxième médecin».Lors d’une discussion sur Twitter avec la Dre Josée Perreault, le Dr David Lussier, qui siège à la Commission, a expliqué que ce point de la loi avait pour but d’avoir une évaluation par un médecin «objectif» qui ne connaît pas le patient. Pour la Dre Josée Perreault, cela rend surtout la procédure «injustement compliquée dans le but supposé d’éviter des dérapages», mais cela finit, en fait, par causer des problèmes et générer de la détresse.Lire la suiteSur le terrain, elle voit en effet plutôt l’inverse, les médecins traitants, ceux qui connaissent bien leur patient, invoque leur droit à l’objection de conscience, et ce sont des médecins qui ne connaissent pas les patients qui administrent l’aide médicale à mourir. Un non-sens pour la Dre Perrault. Non seulement on «dénie l'objectivité du médecin de famille traitant, sauf si c'est lui qui fait l'AMM», les directeurs des services professionnels qui doivent trouver un troisième médecin «frisent le burn-out».Seulement un problème d’interprétation, affirme le CMQInterrogé par Profession Santé à ce sujet, le CMQ nous a fait savoir par l’intermédiaire de Caroline Langis, sa relationniste, que son Guide d’exercice sur l’aide médicale à mourir avait été mal interprété.«On avait donné des exemples où il pouvait y avoir un problème d’impartialité, mais cela ne voulait pas dire qu’il devait y avoir un problème dans tous les cas», a ainsi précisé Caroline Langis. Bref, la Commission aurait appliqué «à la lettre» des exemples potentiels. Le Collège entend donc réajuster le tir pour que son guide d’exercice soit plus clair.«L’objectif est de fournir le meilleur soin possible au patient et, dans plusieurs cas, le fait que le deuxième médecin soit le médecin de famille peut être très réconfortant, donc ce n’est pas nécessairement problématique», a aussi souligné Caroline Langis. Le CMQ rappelle qu’il n’a pas pour but de mettre des bâtons dans les roues des médecins qui veulent administrer l’aide médicale à mourir, ni de ceux qui veulent accompagner leurs patients, à leur façon, en se prévalant de leur objection de conscience. Le CMQ reconnaît dans le même temps que la demande d’aide médicale à mourir de leurs patients est médicalement admissible.Lors d’un point de presse, Gaétan Barrette a expliqué que son ministère allait vérifier si l’on pouvait ajuster le point concernant l’indépendance des médecins, et ce, sans changer la loi. «Il y a peut-être quelques ajustements à apporter à notre façon de faire, et c'est la raison pour laquelle on a convenu d'entreprendre une réflexion avec le Collège des médecins et la Commission elle-même, notamment sur la construction, la composition du formulaire et peut-être d'apporter des ajustements si nécessaire à la question du deuxième médecin indépendant.»Il juge cependant qu’il est encore tôt pour parler de changer la Loi alors que la Commission n'est en place que depuis quelques mois. Il préférerait attendre le premier rapport, qui sera produit dans cinq ans.La Commission a fait son travail, dit le ministreSelon le ministre, les difficultés survenues dans les neuf premiers mois de l’application de la loi sont d’ordre «administratif» et il a tenu à remercier les membres de la Commission, qui «ne font pas un travail facile». «Les membres de la Commission ont voulu agir avec diligence et précision, et je peux dire, à la lecture du rapport, que ça a été le cas», a t-il souligné.Il a aussi voulu rassurer les médecins qui administrent l’AMM. «Ne vous inquiétez pas, il n'y a pas d'inquisition de la part de la Commission sur les soins de fin de vie. Il y a une obligation légale pour eux de poser un certain nombre de questions, auxquelles il doit y avoir des réponses. Mais, non, il n'y a pas d'ingérence dans la pratique médicale. Mais la loi exige qu'il y ait des réponses posées à certaines questions. C'est tout à fait normal que les choses se soient passées comme ça.»Le ministre a eu accès à des formulaires et il reconnaît que certains méritaient des demandes d’informations supplémentaires. «Les réponses aux questions ne peuvent pas être oui ou non», a t-il précisé, tout en confirmant aux journalistes qu’il n’y a pas eu «d’excès de zèle» de la part de la Commission.Néanmoins, le ministre s’est dit surpris du nombre de sédations palliatives terminales continues. «Il y a eu autant de demandes de sédations palliatives que de demandes d'aide médicale à mourir. Ça, ça m'a étonné. Je ne m'attendais pas à ce qu'il y en ait autant», a-t-dit.

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