Aide à mourir: Les valeurs du médecin ont-elles le même poids que l’autonomie du patient?

Tellement attachés à l’autonomie professionnelle, les médecins canadiens semblent faire deux poids deux mesures quand l’autonomie des patients est en cause. C’est du moins ce qui ressort d’une consultation organisée en juillet dernier par l’Association médicale du Canada (AMC).Décidée à entamer le dialogue avec ses membres sur l’aide médicale à mourir à la suite d'une résolution prise pendant son assemblée générale en août 2014, l’AMC a accéléré les débats en raison de la décision de la Cour suprême du 6 février dernier selon laquelle les dispositions du Code criminel interdisant l’aide à mourir étaient inconstitutionnelles.Le Dr Jeff Blackmer, vice-président du Professionnalisme médical à l’AMC qui dirigeait la discussion organisée en ligne du 8 juin au 20 juillet derniers, avait clairement expliqué qu’on n'en était plus à tergiverser sur le bien-fondé ou non de l’aide médicale à mourir.«La légalisation de l’aide à mourir est une prérogative accordée aux Canadiens. C’est un fait accompli. Cependant, nous avons encore la possibilité d’influencer la façon dont elle sera mise en pratique», avait-il notamment précisé.Et de fait, c’est bien sur cette application que les débats sont devenus houleux. Comment, en effet, concilier le droit de ne pas pratiquer l’aide à mourir et le droit d’accès des patients à ce service?Pour certains médecins opposants à l’aide à mourir, il va sans dire: référer un patient à un autre médecin prêt à pratiquer l’aide à mourir revient «à prendre part à l’aide à mourir».Une minorité «non négligeable» de médecins prêts à pratiquer l’aide médicale à mourirDans un sondage mené auprès de 5 000 membres en prévision du Conseil général d’août 2014, 45 % des répondants se sont dits en faveur de la légalisation de l’aide médicale à mourir, et 27 % d’entre eux ont dit qu’ils y participeraient probablement si cette pratique était légalisée.Un médecin a ainsi écrit que pour lui «accomplir un acte soi-même ou faire en sorte qu’une autre personne l’accomplisse sont des comportements équivalents sur le plan moral».D’autres vont encore plus loin, refusant même de diriger un patient «vers les services d’une personne ou d’une organisation neutre» qui pourrait informer sur l’aide à mourir.Pour trouver un compromis, l’AMC avait en effet proposé dans la version provisoire de ses recommandations la création d’un système «pour permettre au médecin de diriger le patient vers un tiers disposé à lui fournir aide et information». Cette proposition sera d’ailleurs discutée lors de l’assemblée générale qui se déroulera dans quelques jours à Halifax.Malgré l’opposition claire de certains médecins, un bon nombre de participants au dialogue étaient en revanche en faveur des principes énoncés par l’AMC qui sous-tendent la proposition de cadre législatif sur l’aide à mourir.Le Dr Blackmer semble par ailleurs d’avis qu’il est possible de trouver un terrain d’entente. «Les principes de respect de l’autonomie du patient et de protection de l’autonomie du médecin ne sont pas incompatibles. La clé, c’est de trouver un compromis qui respectera les deux principes...», écrit-il.On n’a pas oublié l’importance des soins palliatifs dans ce débat, même si ce n’était pas le but premier de ce dialogue. Les commentaires de bon nombre de participants abondaient dans le sens de la position de l’AMC, selon laquelle «il est primordial d’établir une stratégie nationale en matière de soins palliatifs et d’offrir des soins palliatifs à tous les Canadiens qui en ont besoin».Au final, le Conseil d’administration de l’AMC continue de croire qu’il est du devoir de l’Association de veiller à ce que l'aide médicale à mourir soit mise en place de façon «qui protège les personnes vulnérables et qui respecte l’autonomie des médecins», tout en continuant d’exprimer le point de vue de tous les membres.Si certains apprécient que l’AMC ait su adopter «une position modérée» sur l’aide médicale à mourir, d’autres craignent que les divergences qui apparaissent entre les membres de l’AMC laissent croire au grand public et aux décideurs que «la réponse des médecins est très mal coordonnée et parfois même contradictoire ».

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