Affections cutanées: l’efficacité des produits à base de cannabis n’est pas prouvée

Les produits pour la peau à base de cannabis sont de plus en plus populaires, mais savoir s'ils sont efficaces pour les affections dermatologiques est une autre histoire, la plupart des produits n'ayant que peu ou pas de données probantes confirmant leur utilité. Toutefois, force est de constater que leur utilisation est commune et même en augmentation. Selon un rapport marketing de 2019 de Grand View Research, la taille du marché mondial des soins de la peau à base de cannabinoïdes (CBD) était évaluée à 234,1 millions de dollars américains en 2018 et devrait croître de 32,9% de 2019 à 2025. Bien qu'il existe des données probantes sur l'efficacité de certains cannabinoïdes sur un petit nombre d'affections, les produits à base de cannabis ne présentent aucun avantage pour la plupart des problèmes cutanés. Dans certains cas, les patients peuvent même développer des problèmes de peau, tels qu’une dermatite de contact, à cause du cannabis, selon le Dr Mark Kirchhof, chef du département de dermatologie de la faculté de médecine de l'Université d'Ottawa. Il s'est exprimé lors de la récente réunion annuelle de l'Association canadienne de dermatologie. Il a noté que le terme «cannabinoïde» «fait référence à tout produit chimique, quelle que soit sa structure ou son origine, qui se lie aux récepteurs cannabinoïdes du corps et du cerveau et qui a des effets similaires à ceux produits par la plante de cannabis». Deux types de récepteurs CB (CB1 et CB2) sont présents dans tout le corps. L'un ou l'autre, ou les deux, étant retrouvés dans: certaines parties du système nerveux, divers organes, les systèmes lymphatique et immunitaire, les voies respiratoires supérieures, les os, toutes les couches de la peau et dans d'autres zones. Un article de synthèse, publié en 2018 dans le Journal of Cutaneous Medicine and Surgery et coécrit par le Dr Kirchhof, explique que le corps produit ses propres cannabinoïdes, les endocannabinoïdes. Ce sont des neurotransmetteurs rétrogrades endogènes à base de lipides qui se lient aux récepteurs cannabinoïdes. Les récepteurs jouent des rôles dans tous les domaines, de la modulation de la douleur aux fonctions neuronales telles que la coordination motrice, en passant par diverses fonctions physiologiques. Globalement, «le système cannabinoïde dans notre corps est mal compris… Le problème est que le système cannabinoïde lui-même est pléiotrope. Il existe différents types de cannabinoïdes et différents types de récepteurs. Cela rend le système difficile à comprendre», a-t-il expliqué en entrevue au Medical Post, une publication sœur de ProfessionSanté.ca. Dans la peau, les récepteurs CB1 et CB2 se trouvent notamment dans l'épiderme, les kératinocytes, les nerfs cutanés et les cellules sébacées. Ils semblent contribuer à réguler l'activité des kératinocytes, mais jouent également un rôle dans des maladies comme le psoriasis, qui se caractérise par une prolifération excessive des kératinocytes et une inflammation de la peau. Il y a encore beaucoup d'inconnues, malgré la présence de centaines de produits à base de cannabis sur le marché prétendant pouvoir traiter une grande variété de problèmes dermatologiques. Les produits se présentent sous forme topique, en administration sublinguale, en huiles à appliquer et pour l’inhalation. Pour la grande majorité d'entre eux, il existe peu de preuves que ces produits apportent réellement des bienfaits. Quelques preuves prometteuses Un petit nombre de conditions pourrait toutefois être améliorées par le cannabis. Aux États-Unis, l'utilisation de la marijuana à des fins médicales a été approuvée pour la douleur, le lupus, l'ostéo-onycho-dysostose, le psoriasis, le syndrome d'Ehlers-Danlos, la maladie de Lyme, la neurofibromatose et le syndrome de Sjögren. Mais s'il y a des raisons convaincantes de penser qu'ils peuvent aider au moins certains patients, atteints de ces pathologies et d'autres, les preuves ne sont pas très solides, a déclaré le Dr Kirchhof. Les études qui ont été publiées sont très variables «et vont des rapports de cas aux preuves in vitro ou en laboratoire. Il y a un manque de données issues d’essais bien contrôlés et de comparaisons avec d'autres médicaments approuvés», a-t-il ajouté. Le traitement de la douleur est le domaine qui fait l'objet du plus grand nombre de recherches. Les plants de cannabis contiennent au moins 483 substances chimiques, dont 60 à 70 sont des cannabinoïdes, ainsi que d'autres composés qui ont également des effets biologiques. Il existe différentes combinaisons et proportions de ces composés au sein de la grande variété de plantes de cannabis disponibles. De nombreux composés n'ont pas été étudiés; on ignore donc quel impact ils ont sur le corps. De plus, il existe des variations entre les produits offerts sur le marché, il n'y a donc pas de véritable standardisation. Ils pourraient également interagir avec des médicaments. Des études menées par le Dr Kirchhof et ses collègues suggèrent qu'entre 10% et 25% de la population canadienne a utilisé des produits cannabinoïdes pour essayer de traiter diverses affections cutanées. Dans une étude qu’ils ont menée récemment, des patients ont utilisé du cannabis topique pour tout, de l'eczéma à l'acné, en passant par les coups de soleil, les démangeaisons et même le mélanome. La même étude a révélé que la plupart des patients ont signalé un effet neutre ou nul, bien que 7,2 % à 27,8 % d'entre eux ont déclaré ressentir un certain niveau d'efficacité en fonction de l'indication. Malheureusement, les publicités pour les produits attribuent une variété de vertus non fondées aux produits à base de cannabis. Certaines prétendent que les produits peuvent guérir ou traiter le cancer, y compris le mélanome, «et c'est une chose potentiellement dangereuse à dire aux consommateurs», a partagé le Dr Kirchhof. Il existe plusieurs affections dermatologiques pour lesquelles l'utilisation des cannabinoïdes n'a pas encore été approuvée aux États-Unis, mais la science fondamentale et de petites études suggèrent qu'elle pourrait être prometteuse. Les affections incluent l'acné, la dermatite atopique, l'hidradénite suppurée, le sarcome de Kaposi et le mélanome (une étude de laboratoire suggère que le THC pourrait contribuer à déclencher l'apoptose des cellules de mélanome, mais il n'existe aucune donnée clinique.). Il est nécessaire d'approfondir la recherche fondamentale et de procéder à des essais randomisés et contrôlés en utilisant des produits standardisés. Parallèlement, les produits cannabinoïdes peuvent aussi entraîner des effets secondaires dermatologiques tels que l'artérite, le prurit, l'urticaire et la dermatite de contact. Dans le cadre de sa pratique, le Dr Kirchhof a déjà traité des dermatites de contact chez des travailleurs d'une usine de produits à base de cannabis. Il rédige parfois des ordonnances de cannabis médical pour certains patients, mais pas en tant que traitement de première intention. Elles sont généralement destinées aux patients chez qui les autres traitements n’ont pas été efficaces. «S'ils souffrent toujours après avoir épuisé les autres options de traitement allopathique, je travaille avec eux pour essayer de trouver des alternatives», a affirmé le médecin. Son expérience de traitement avec les cannabinoïdes systémiques s’est étendue à l'hidradénite suppurée (pour le contrôle de la douleur et le sommeil), au prurit sans lésions primaires et à la papulose lymphomatoïde. Il a prescrit des produits systémiques ou topiques pour la dermatite atopique et topiques pour le psoriasis. L'expérience a été mitigée: certains patients ont eu des réponses notables, tandis que d'autres ont rapporté peu d’effets. Le Dr Kirchhof suggère que tous les médecins devraient demander à leurs patients s’ils utilisent des produits à base de cannabis, en plus d’essayer de s'informer à propos des preuves et de consulter la littérature scientifique évaluée par les pairs.

Affections cutanées: l’efficacité des produits à base de cannabis n’est pas prouvée

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