Affaire Lipitor: Est-ce à l’argent public de stimuler la recherche ?

Un médecin de famille se demande s’il peut faire encore confiance aux compagnies pharmaceutiques. Le Dr Emmanuel Soldevila ne veut pas se mettre les compagnies pharmaceutiques à dos, mais il voudrait ouvrir un débat avec les autres médecins sur le financement de la recherche pharmaceutique. « On nous demande d’inscrire “ne pas substituer” pour, nous dit-on, stimuler la recherche. Très bien, mais l’argent va-t-il réellement à la création de nouveaux médicaments ? »Pfizer et son programme de fidélisation mettent les médecins dans l'embarras. La compagnie devrait être au banc des accusés, mais ce sont plutôt les médecins qui sont en train de devenir les bouc émissaires dans cette affaire. Avec son programme de fidélisation, Pfizer rembourse à un patient qui continue de consommer du Lipitor plutôt que de se tourner vers un des génériques maintenant disponibles, avec une différence de coût entre les deux.Le problème, c’est que si Pfizer rembourse la différence de coût aux patients, la compagnie pharmaceutique ne fait pas de même avec la RAMQ ou les assurances privées qui, elles, paient le prix fort. Or, ce sont elles qui prennent en charge la plus grande partie des coûts des médicaments.Une situation que la RAMQ vient de dénoncer, accusant même la compagnie pharmaceutique de mettre en danger la pérennité du régime d’assurance médicaments. Mais que viennent donc faire les médecins dans cette galère ? Ils se retrouvent entre deux chaises, ou plutôt deux intérêts.Qui est responsable?En essayant de dire que le Collège des médecins du Québec (CMQ) avait la responsabilité de s’assurer que les médecins pouvaient prescrire les meilleurs médicaments pour leurs patients, le Dr Yves Robert a utilisé une formule lapidaire qui s’est retrouvée partout dans les médias : « Moi, que le médicament coûte 5, 10 ou 15 dollars, je m’en contrefous. » Irresponsables, les médecins ? Bien sûr que non ! Mais, pour le commun des mortels qui ne sait pas quel est le mandat du CMQ, le médecin semble oublier que l’argent des contribuables utilisé pour payer les factures de Lipitor (457 millions $ en 2009 !) ne servira pas à autre chose dans un système de santé qui connaît une période de restrictions.Le médecin a-t-il un rôle à jouer dans ce débat ? Les omnipraticiens qui inscrivent sur des ordonnances « ne pas substituer » sans raison médicale ou qui distribuent à leurs patients la carte de continuité, le font-ils en connaissance de cause ?Le Dr Soldevila, médecin de famille à Montréal, se demande si les compagnies pharmaceutiques ne manipulent pas également les médecins. Il dit subir les pressions des représentants des groupes pharmaceutiques qui lui affirment que si les médecins n’indiquent pas « ne pas substituer », c’est la recherche qui va en pâtir. « J’ai l’impression que les études actuelles servent surtout à étendre l’indication de médicaments existants à de nouveaux patients. D’un autre côté, il est vrai que les compagnies pharmaceutiques ont fait beaucoup pour la santé de nos patients ces 20 dernières années. Mais comment être sûr que l’argent va là où il sera utile pour les patients ? »Au bout du compte, le Dr Soldevila se demande si le système n’est pas perverti. Est-ce à l’argent public de stimuler la recherche, comme cela lui semble être le cas actuellement ?Un débat à suivre lundi prochain.Vous voulez commenter? courrier@lactmed.rogers.com

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