5 conseils cliniques pour optimiser le traitement à la lévothyroxine

La dysfonction thyroïdienne est l’un des problèmes de santé les plus sous-diagnostiqués dans le monde1. Au Canada, on estime qu’environ une personne sur dix souffre d’une affection quelconque de la thyroïde, mais jusqu’à 50% d’entre elles ne sont pas diagnostiquées2. L’hypothyroïdie est le trouble thyroïdien le plus courant, affectant environ cinq personnes sur 100. Si elle est mal diagnostiquée ou non traitée, les conséquences peuvent être importantes et avoir un impact à long terme sur la santé1, 3, 4. Pour toute personne diagnostiquée avec une hypothyroïdie, le remplacement de l’hormone thyroïdienne par la lévothyroxine est reconnu comme l’option de traitement de première intention4, 5.Les pharmaciens peuvent jouer un rôle important dans le dépistage de l’hypothyroïdie en identifiant rapidement ses signes et symptômes courants. En détectant les patients susceptibles de nécessiter un examen plus approfondi et en les orientant en conséquence, les pharmaciens peuvent contribuer à réduire le taux de diagnostics manqués et à faciliter l’accès au traitement en temps opportun.Les pharmaciens sont également idéalement placés pour évaluer la non-réponse aux médicaments et peuvent informer sur les interactions médicamenteuses et alimentaires courantes qui peuvent interférer avec la prise de lévothyroxine et son effet thérapeutique. De plus, comme leur rôle au Canada ne cesse de croître et de s’étendre, les pharmaciens devraient gagner en assurance pour comprendre et interpréter les analyses sanguines de base afin de formuler des recommandations sur les ajustements de la dose de médicament.Les cinq conseils suivants peuvent aider les pharmaciens à prendre confiance dans l’optimisation du traitement à la lévothyroxine.Reconnaître les signes et symptômes courants de l’hypothyroïdie — le diagnostic passe facilement inaperçuL’hypothyroïdie peut être considérée comme un «ralentissement» du moteur de l’organisme. En conséquence, les signes et symptômes les plus courants sont la fatigue, la prise de poids, la sensibilité au froid, les changements au niveau de la voix, le manque d’appétit, la peau sèche et rugueuse, les cheveux ou les ongles cassants, la constipation, les irrégularités du cycle menstruel, la dépression et les troubles de la concentration3-5. Dans les cas les plus graves, ces symptômes peuvent s’accompagner d’une dégradation de la santé mentale du patient, d’une baisse de la température corporelle et d’une diminution de sa pression artérielle, de sa fréquence cardiaque et/ou de sa fréquence respiratoire3-5. L’inverse est vrai pour les patients qui peuvent être surtraités; ils peuvent présenter des signes d’hyperthyroïdie, tels qu’une perte de poids, une intolérance à la chaleur, des tremblements et des palpitations, symptômes qui ont été signalés chez plus de 20% des personnes traitées avec une hormone thyroïdienne5, 6.Comprendre les tests de la fonction thyroïdienneTrois tests principaux sont demandés pour les patients souffrant d’hypothyroïdie: la thyréostimuline (TSH), la thyroxine libre (FT4) et la triiodothyronine libre (FT3)5, 6. La TSH est la principale hormone libérée par l’hypophyse en réponse aux besoins de l’organisme; elle signale à l’hypophyse de produire des hormones thyroïdiennes en fonction des besoins (figure 1 ci-dessous)7. La FT4 et la FT3 sont les deux principales hormones libérées par la glande thyroïde et constituent collectivement les «hormones thyroïdiennes»7. En cas d’hypothyroïdie, la glande thyroïde ne produit pas des quantités suffisantes de FT4 et de FT3 et une supplémentation en hormones thyroïdiennes synthétiques, telles que la lévothyroxine, est nécessaire pour rétablir le fonctionnement optimal de cette voie (figure 2 ci-dessous)3, 5, 7.Dans la population adulte générale (à l’exclusion des femmes enceintes et des personnes âgées), un taux normal de TSH est défini comme étant compris entre 0,45 et 4,50 mUI/L et les valeurs supérieures à 10 mUI/L indiquent généralement que les patients devraient bénéficier d’un traitement à la lévothyroxine5, 6, 8, 9. La TSH est le test le plus sensible et le plus spécifique pour la détection et la prise en charge de l’hypothyroïdie5, 6. Des élévations de TSH au-delà de 4,50 mUI/L (mais inférieures à 10 mUI/L) avec des valeurs basses de FT4 peuvent également indiquer une hypothyroïdie; cependant, la FT4 et la FT3 seules ne doivent pas être utilisées pour diagnostiquer une hypothyroïdie ou pour ajuster la dose de lévothyroxine chez les patients atteints d’hypothyroïdie5, 8, 10.Patience dans la surveillance et les testsIl est recommandé d’attendre au moins six à huit semaines après le début du traitement à la lévothyroxine, ou après chaque ajustement de la dose, avant de recontrôler le taux de TSH5, 6. Chez la plupart des gens, une fois que le taux de TSH est stable et dans les limites de la normale, il correspond à une dose de remplacement de la lévothyroxine adéquate et des tests supplémentaires tous les 12 mois sont acceptables5, 6, 8.Si les tests révèlent un résultat anormal, une surveillance plus fréquente est recommandée, ainsi que des ajustements de la dose de médicament si nécessaire, jusqu’à ce que la TSH se stabilise dans la plage normale5, 6. Cependant, lors de l’interprétation des tests de la fonction thyroïdienne, il est important de mettre en corrélation ce qui s’est passé avec le patient au cours des huit dernières semaines et d’exclure la non-observance (c’est-à-dire les doses manquées), la malabsorption et les interactions médicamenteuses. Une surveillance plus fréquente peut également être nécessaire dans des circonstances particulières telles qu’une grossesse, un changement de poids important ou l’introduction de nouveaux médicaments susceptibles d’interactions9.Si vous remarquez que le taux de TSH reste en dehors de l’intervalle, malgré des taux corrigés de FT4 ou FT3, le patient devrait faire l’objet d’un examen plus approfondi pour détecter une maladie hypophysaire ou hypothalamique5, 10.Préconiser un schéma thérapeutique pour une observance et une absorption optimales chez les patients nouvellement diagnostiquésIdéalement, la lévothyroxine doit être prise à jeun avec de l’eau, à une heure constante chaque jour11. L’acidité de l’estomac est soupçonnée d’augmenter l’absorption, tandis qu’un pH gastrique élevé (faible acidité) peut la diminuer12. C’est pourquoi il est important d’informer les patients qu’ils doivent: prendre la lévothyroxine au moins 30 minutes avant le petit-déjeuner ou au moins trois heures après le dîner (par exemple, à l’heure du coucher), et éviter la co-administration avec des antiacides ou des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP)5, 11.La lévothyroxine doit également être espacée d’au moins quatre heures de tout supplément contenant du fer ou du calcium, ou des séquestrants d’acides biliaires (cholestyramine, colesevelam et colestipol), car ces produits sont connus pour diminuer l’absorption de la lévothyroxine5, 11.Assurer la cohérence de l’administration de la lévothyroxine chez les patients stables recevant un traitement à long termeMalgré les recommandations susmentionnées pour une absorption optimale du médicament, il n’est pas recommandé de modifier la routine des patients qui prennent de la lévothyroxine selon un horaire différent, avec de la nourriture ou à une heure d’intervalle seulement des suppléments contenant du fer ou du calcium, mais dont la TSH se situe dans les limites normales9. À ce stade du parcours thérapeutique du patient, la dose a probablement été ajustée (c’est-à-dire augmentée) pour tenir compte des interactions possibles qui peuvent interférer avec l’absorption. Recommander des changements susceptibles d’augmenter l’absorption des médicaments chez un patient qui a atteint des niveaux thyroïdiens normaux risque de déstabiliser les niveaux d’hormones et de conduire à des tests, des contrôles et des ajustements de dose inutiles.RésuméL’hypothyroïdie est une pathologie courante, mais sous-diagnostiquée. Les pharmaciens peuvent jouer un rôle important dans le dépistage, le traitement et la prise en charge à long terme. La lévothyroxine est le traitement de première intention de l’hypothyroïdie, mais elle nécessite un suivi et d’éventuels ajustements de dose. Bien que des produits connus, tels que les antiacides, les inhibiteurs de la pompe à protons, les séquestrants de l’acide biliaire, le fer et le calcium, interagissent avec la lévothyroxine, les pharmaciens doivent toujours procéder à un examen diligent de tous les médicaments et suppléments du patient afin de vérifier les interactions possibles. En attendant, les personnes qui suivent un traitement à long terme et dont les analyses sanguines sont stables doivent être encouragées à poursuivre leur traitement sans ajustement.Nicole Domanski (nicole.domanski@ubc.ca) est pharmacienne clinicienne à la Pharmacists Clinic et chargée de cours à la Faculté des sciences pharmaceutiques, toutes deux situées à l’Université de Colombie-Britannique, sur le campus de Vancouver, qui est le territoire traditionnel, ancestral et non cédé du peuple Musqueam.

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