Santé cardiovasculaire: le statut social perçu, un facteur de risque insoupçonné chez les femmes

Alors que les maladies cardiovasculaires et l’AVC représentent la principale cause de décès prématuré chez les femmes au pays, ces dernières sont touchées par plusieurs facteurs de risques particuliers: endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, maladies auto-immunes, traitement du cancer du sein ou encore ménopause…Un nouveau facteur de risque, plus inattendu cette fois, vient s’ajouter à cette longue liste spécifique aux femmes: le statut social. Ou plutôt, le statut social perçu, soit la manière dont les gens vont estimer leur place dans l’échelle sociale, indépendamment de la réalité, comme l’explique le Dr Jean-Philippe Gouin, psychologue clinicien et professeur à l’Université Concordia. «Ce sentiment subjectif est associé à différents indicateurs de santé et de mortalité précoce, au-delà des marqueurs objectifs de niveau socio-économique.» À lire aussi: Maladies cardiovasculaires: on connaît l’impact du sexe, mais quel rôle joue le genre?Sauf que ce sentiment diffère selon le genre de la personne interrogée, poursuit-il. «La manière d’évaluer son statut social n’est pas la même chez les hommes et chez les femmes. Lorsque ces dernières prennent un congé de maternité par exemple, cela va avoir un impact sur leur carrière professionnelle et aussi leur façon de conceptualiser leur statut social.»Des risques spécifiques au sexePour déterminer dans quelle mesure cette perception subjective pouvait affecter différemment la santé des femmes et celle des hommes, le psychiatre a mené, avec sa coauteure principale, la Dre Judy Luu – cardiologue spécialiste de la santé des femmes, professeure à l’Université McGill et clinicienne-chercheuse à l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill –, une étude transversale1 auprès de 443 participants âgés de 35 à 83 ans n’ayant pas développé de maladies cardiovasculaires (MCV). C'est l'une des premières études à montrer des effets sur le cœur mesurables et spécifiques au sexe.Les participants ont tous passé une IRM pour détecter des marqueurs d’inflammation cardiaque, et ont rempli un questionnaire pour classer leur statut social sur une échelle de 1 à 10. Résultat: les femmes ayant indiqué un statut social inférieur montraient davantage de signes d’inflammation potentielle et de lésions précoces du cœur, même lorsque leur revenu et leur niveau d’éducation correspondaient à ceux de femmes ayant classé leur statut social à un échelon supérieur. En revanche, les hommes qui ont indiqué un statut social inférieur à celui d’autres hommes ayant le même revenu et le même niveau d’éducation ne montraient pas ces signes avant-coureurs.«Le statut social subjectif reflète mieux les expériences réelles des femmes»Le Dr Gouin avance deux hypothèses pour expliquer cette différence: «Premièrement, le statut social subjectif reflète peut-être mieux les expériences réelles des femmes que les données objectives sur leur statut socio-économique», explique-t-il. Par exemple, même lorsqu’elles ont un niveau d’éducation semblable à celui des hommes, les femmes gagnent souvent moins et subissent des pressions sociales supplémentaires. Leur perception d’elles-mêmes reflète donc peut-être mieux cette réalité.Sa deuxième théorie concerne les répercussions psychologiques. Les femmes peuvent avoir l’impression que leurs chances de mobilité ascendante sont moins bonnes, ce qui peut entraîner un stress. «D’après nos recherches, les contributions du stress psychosocial dans le développement des maladies cardiovasculaires est plus important chez les femmes que chez les hommes», souligne-t-il.À lire aussi: Activité physique: petits efforts, gros bénéfices cardiovasculaires pour les femmesLe problème, c’est que les femmes sont moins diagnostiquées, et souvent plus tardivement, que les hommes, et que les interventions qui leur sont proposées ne sont pas aussi poussées selon lui. «On sait que les signes et symptômes des maladies cardiovasculaires diffèrent chez les femmes et les hommes, et souvent, les médecins ne les perçoivent pas chez ces dernières», déplore ainsi le Dr Gouin. Or, d'après les chercheurs, le stress est l’un des cinq principaux facteurs de risque de maladie cardiaque chez les femmes de moins de 65 ans. Selon eux, la situation sociale et le stress devraient être des sujets systématiquement et facilement abordés lors de consultations médicales. L’équipe prévoit désormais de suivre un groupe plus important de participants afin de déterminer si ces marqueurs précoces permettent de prédire les maladies cardiaques.Référence: Sánchez-Carro Y, Moukarzel M, Friedrich MG, Gouin JP, Luu JM. Sex Differences in the Association Between Subjective Social Status and Imaging Markers of Cardiac Inflammation and Fibrosis. Biopsychosoc Sci Med. 2025 May 26. doi: 10.1097/PSY.0000000000001411. Epub ahead of print. PMID: 40471966.

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