Mieux décrypter la distractibilité pour détecter des maladies neurodégénératives

Plus on vieillit, plus on a tendance à être distrait. Mais peut-on inverser cette inclination naturelle ou à tout le moins la ralentir? C’est le dessein de deux chercheurs du Centre de recherche CERVO de l’Université Laval (UL) qui s’intéressent à notre propension à la distraction afin de déterminer quels mécanismes de l’attention sont affectés par le vieillissement et quels réseaux neuronaux sont impliqués dans ce phénomène. Leurs objectifs: trouver le moyen de contrer ces changements, mais aussi établir un outil clinique pour détecter le plus tôt possible des maladies neurodégénératives. «Les troubles de l’attention sont le fruit de manifestations et de processus cognitifs complexes qui restent mal compris chez l’enfant et à l’âge adulte. On sait cependant que le vieillissement est un facteur aggravant. On sait aussi que les difficultés attentionnelles sont des prodromes de la maladie de Parkinson et de l’Alzheimer», indique la psychologue et neuropsychologue Roxane Hoyer, qui est postdoctorante au CERVO. En collaboration avec Aurélie Bidet-Caulet, une chercheuse française de l’Institut de neurosciences des systèmes, à Marseille, elle a ainsi développé un test qui a permis de définir à partir de quel âge les déterminants de la propension à la distraction se manifestent. Autrement dit, quand s’amorce l’usure de notre cerveau qui nous incite à la distraction. «La distractibilité est le résultat d’une confrontation entre trois réseaux neuronaux distincts», explique Roxane Hoyer. Il y a celui de l’attention volontaire, «celle que l’on accorde à la tâche à accomplir, qui engendre la concentration». Il s’oppose à celui de l’attention involontaire, «celle que l’on accorde malgré nous à des éléments qui nous distraient». Il y a enfin le réseau dit de l’alerte phasique qui catalyse notre impulsivité. «Il a une fonction de surveillance latente. Il maintient le cortex en éveil et le rend plus ou moins réactif lorsque des signaux extérieurs se manifestent», détaille la neuropsychologue (habilitation française). Le test comportemental mis au point par les deux chercheuses mesure chacune de ces trois composantes. Il consiste à faire réagir les personnes qui doivent se concentrer sur des stimuli visuels et sonores, en introduisant aléatoirement à un élément distracteur, une sonnerie de réveil en l’occurrence. Roxane Hoyer et l’équipe d’Aurélie Bidet-Caulet ont soumis 191 sujets âgés de 21 à 86 ans, répartis en sept groupes d’âge, à ce test qui dure une quinzaine de minutes. Les résultats qu’elles ont obtenus ont été présentés lors du 90e Congrès de l’Acfas, début mai, et feront prochainement l’objet d’une publication scientifique. Ils montrent que chacune des trois composantes de la propension à la distraction a sa propre trajectoire dans le temps. L’attention volontaire diminue à partir de 30 ans tandis que l’attention involontaire augmente à partir de 26 ans. Quant à l’alerte phasique, elle s’amenuise après 25 ans et s’accroît vers 60 ans. Ainsi, «le vieillissement mène progressivement les personnes à prêter une attention particulière aux informations non pertinentes», résume la postdoctorante. Un outil clinique à valider Les deux scientifiques cherchent désormais à raffiner leurs résultats pour établir des «normes fines» en quantifiant la propension à la distraction par tranche d’âge. «On veut définir quand notre cerveau fonctionne normalement pour être en mesure de déterminer précisément quand il commence à dysfonctionner», signale Roxane Hoyer. Les écarts à la norme devenant dès lors des indices d’une possible maladie neurodégénérative. Leur test fait actuellement l’objet d’une étude de validité, dont les premières conclusions seraient positives. «On espère pouvoir bientôt le fournir aux cliniciens sous la forme d’un outil de prédiagnostic», souhaite la neuropsychologue. Parallèlement, elle collabore avec le professeur Philippe Albouy, de l’École de psychologie de l’UL, qui est également chercheur au CERVO et s’intéresse particulièrement à la stimulation magnétique transcrânienne (SMT). «En envoyant des ondes magnétiques sur des réseaux neuronaux impliqués dans la mémoire de travail, nous sommes parvenus à améliorer cette fonction chez des sujets jeunes. Ces effets se sont manifestés lors de l’application de la SMT et pendant les jours qui ont suivi», indique le Pr Albouy. Les deux chercheurs veulent désormais tester si la STM pourrait produire les mêmes effets en ciblant les réseaux neuronaux de propension à la distraction. «On veut voir s’il est possible de réentraîner le cerveau à ne pas se laisser distraire», annonce Roxane Hoyer, avec une certaine impatience.

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