Le placebo fait ses preuves pour traiter le syndrome prémenstruel

Lorsqu’ils sont prescrits en toute transparence et avec empathie, les placebos peuvent être efficaces pour la prise en charge du syndrome prémenstruel. C’est la conclusion à laquelle sont parvenus des chercheurs de l’Université de Bâle, en Suisse. L'administration d’un «placebo ouvert» (ou open label placebo) – c’est-à-dire en toute connaissance de cause par le patient – «peut réduire considérablement l'intensité et l'interférence des symptômes (du syndrome prémenstruel) en l'absence d'effets secondaires importants», écrivent-ils dans un article publié dernièrement dans le BMJ Evidence-Based Medicine.Dans leur étude, les scientifiques suisses mentionnent que le syndrome prémenstruel (SPM) affecte, à différents degrés, jusqu’à la moitié des femmes en âge de procréer en ayant des impacts sur leur vie sociale et professionnelle. Il survient en général de sept à dix jours avant le début des règles et se caractérise par une centaine de symptômes. Certains sont physiques (douleurs abdominales, nausées, maux de tête, fatigue extrême, etc), d’autres sont d’ordre psychologique (sautes d’humeur, irritabilité, humeur dépressive, anxiété, perte de concentration, etc). Les traitements de première intention du SPM incluent les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), les inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine, les contraceptifs oraux ou encore des traitements hormonaux, tel le danazol. Leur efficacité est avérée, mais ils présentent souvent des effets indésirables (vertiges, prise de poids, troubles gastro-intestinaux, etc.) et les abandons de traitement sont fréquents.À l’inverse, «les placebos ne présentent aucun effet secondaire», souligne l’un des auteurs de l’étude, le néphrologue Jens Gaab. Il ajoute que les placebos sont bien documentés, car ils sont utilisés dans tous les essais cliniques où ils servent d’étalon pour mesurer l’efficacité des médicaments supposés actifs. Selon le clinicien-chercheur, «il ne faut pas sous-estimer (leur) effet. Notre cerveau a appris que si nous prenons un médicament régulièrement, il est efficace, même s'il ne contient aucun principe actif».Des études antérieures ont ainsi montré que les placebos dits ouverts peuvent réduire le besoin de médicaments chez les enfants atteints de TDAH. Ils peuvent également soulager les symptômes du syndrome du côlon irritable, certaines douleurs chroniques, la rhinite allergique ou encore les bouffées de chaleur à la ménopause.Partant de là, les chercheurs suisses ont voulu savoir dans quelle mesure un traitement par placebo serait pertinent pour réduire les symptômes du SPM. Pour ce faire, ils ont mené un essai contrôlé randomisé, entre août 2018 et décembre 2020, incluant 150 femmes âgées de 18 à 45 ans souffrant de SPM ou de trouble dysphorique prémenstruel (TDPM). Seules des femmes qui ne prenaient pas de psychotropes pouvaient y participer. Les participantes ont été réparties en trois groupes de taille égale. Le premier (groupe témoin) était constitué de femmes recevant un traitement conventionnel. Dans le second (groupe OLP−), les participantes se sont vues administrer deux comprimés placebo par jour pendant six semaines, sans explication particulière. Enfin, les 50 femmes du groupe OLP+ ont reçu la même prescription que celles du groupe OLP−, mais elles ont en plus bénéficié de 15 minutes d’explication sur l’effet placebo et les raisons pour lesquelles il pourrait potentiellement soulager leurs symptômes.Les critères principaux étaient l'intensité des symptômes du syndrome prémenstruel et leur impact entre les groupes sur trois cycles menstruels; les événements indésirables ont été évalués trois et six semaines après le début de l'intervention. Les critères secondaires incluaient l’évaluation psychologique et somatique de l'intensité des symptômes du SPM, ainsi que l'observance. Lire aussi: Comment traiter le trouble dysphorique prémenstruel?Les résultats primairesAu sein du groupe OLP+: réduction de 79,3% de l’intensité globale des symptômes, comparativement à 33,0% dans le groupe témoin (taille de l’effet: 0,94; intervalle de confiance [IC] à 95%: 0,44 à 1,43); l’interférence des symptômes dans la vie quotidienne a quant à elle chuté de 82,5%, comparativement à 45,7% dans le groupe témoin (taille de l’effet: 0,90; IC à 95%: 0,38 à 1,53).Au sein du groupe OLP-: diminution de 50,4% de l’intensité des symptômes (IC à 95%: 0,01 à 0,94) et de 50,3% de l’interférence fonctionnelle (IC à 95%: −0,08 à 1,12), comparativement au groupe témoin.Groupe témoin: amélioration de 33,0% pour l’intensité des symptômes et de 45,7% pour l’interférence, attribuables possiblement à un effet de régression naturelle ou à une attention minimale accordée lors du suivi.Les femmes des deux groupes placebo ont présenté très peu d'effets secondaires, sans gravité. Leur observance du traitement est excellente (93,18%) avec un faible taux d’abandon (3,4%).En ce qui concerne les résultats secondaires, les femmes du groupe placebo avec explication ont enregistré la plus forte diminution (70,7%) de l'intensité des symptômes psychologiques entre les cycles menstruels, suivies par le groupe placebo sans explication qui a rapporté une baisse de 42,6% de l'intensité des symptômes, contre une diminution de seulement 29,1% chez les femmes recevant le traitement habituel. Les femmes du groupe OLP+ ont également signalé la plus forte réduction (82,5%) de l'intensité des symptômes physiques entre les cycles menstruels, suivies par les femmes du groupe OLP- (50,3%) et celles du groupe de traitement traditionnel (45,7%).En comparant les groupes OLP+ et OLP-, les chercheurs ont également observé que l’ajout d’une explication sur les mécanismes du placebo augmentait l’effet thérapeutique de façon marquée, avec un effet de taille de 0,66 pour l’intensité des symptômes (IC à 95%: 0,12 à 1,18), et de 0,77 pour l’interférence des symptômes (IC à 95%: 0,22 à 1,30). Autrement dit, l’explication double pratiquement l’effet du placebo.À consulter: Quel est le meilleur traitement pour les douleurs liées à l’endométriose?Selon l’auteure principale de l'étude, la Dre Antje Frey Nascimento, «l'explication fournie aux participantes sur le fonctionnement des placebos a renforcé leur sentiment d'être prises au sérieux, ce qui pourrait avoir contribué à l'efficacité observée». La professeure de psychologie à l’Université de Bâle ajoute que cette approche met en lumière le rôle crucial de la relation thérapeutique et de la communication dans le processus de guérison.Parmi les limites de leur recherche, les auteurs reconnaissent qu'en présentant l'essai comme une étude portant sur une intervention sans effets secondaires pour le syndrome prémenstruel, ils ont pu attirer des participantes plus ouvertes aux traitements non conventionnels et/ou insatisfaites de leur traitement actuel, ce qui pourrait restreindre la généralisation des résultats. En outre, les résultats reposaient sur l'autodéclaration, ce qui pouvait les fausser.Une approche adoptable en cliniqueNéanmoins, les scientifiques affirment que leur étude est la première à démontrer l’efficacité des placebos ouverts pour le syndrome prémenstruel dans un cadre randomisé et contrôlé. Ils estiment que cette approche «pourrait être particulièrement utile pour les femmes qui souhaitent éviter les médicaments ou pour lesquelles les traitements pharmacologiques sont contre-indiqués». Ils insistent toutefois sur un point crucial: l’effet thérapeutique maximal du placebo semble dépendre fortement de la manière dont il est présenté. Ainsi, les chercheurs concluent que la communication entourant l’administration d’un placebo ouvert est aussi importante que le placebo lui-même. Selon eux, cette stratégie pourrait être intégrée à la pratique clinique, à condition de respecter certains critères: la transparence, la validation des symptômes vécus par les patientes, et un contexte de soin favorable.RéférenceFrey Nascimento A, Gaab J, Degen B, et coll. Efficacy of open-label placebos for premenstrual syndrome: a randomised controlled trial. BMJ Evidence-Based Medicine. Publié en ligne le 25 mars 2025. doi: 10.1136/bmjebm-2024-112875

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