La prescription

Pendant la période des fêtes, j’en ai profité pour explorer le portail Profession Santé en profondeur.Le sondage « Seriez-vous favorable à ce que les infirmières obtiennent le droit de prescrire ? » en ligne dans les différentes sections (Médecins, Infirmières, Pharmaciens) est en fait trois sondages indépendants.Saviez-vous que les commentaires ne sont pas partagés d’un groupe professionnel à l’autre ? J’ai pris le temps de lire chacun de ces sondages et je dois avouer que mon état d’âme est passé de « Pour qui ils se prennent eux autres ! » à « Finalement, ils n’ont rien compris... ça ferait un bon sujet pour mon blogue ».Comme ces commentaires sont publics, mais généralement impulsifs, je ne vais qu’écrire ce qui a été dit, sans égard au professionnel l’ayant écrit. Je vous en prie, lisez jusqu’à la fin, ça promet d’être intéressant.«Je serais favorable moyennant certaines conditions comme la formation, etc. L'application de la loi 90 via les ordonnances collectives est beaucoup trop lourde; des projets d'ordonnances sur lesquels les médecins et les infirmières se sont entendus traînent dans les bureaux des cadres infirmiers durant des mois, voire des années, et ne sont jamais mis en application. Il faut simplifier le processus d'application de la loi 90 parce qu'il perd tout son sens et crée énormément de démotivation chez les professionnels.»«Elles n'ont pas la formation académique obligatoire à une telle fonction.»«Les médecins [ne connaissent] rien des medicaments, imagine les infirmières.»«Elles n'ont pas les connaissances et ne veulent pas avoir les responsabilités et obligations qui vont avec ce droit.»«Je crois que les infirmières excellent dans les soins de toutes sortes. Mais en ce qui concernent la pharmacothérapie en général et la prescription, ce n'est pas leur domaine. Elles sont capables de suivre un organigramme, mais cela ne fait pas d'elles des prescripteurs. Elles n'ont pas les connaissances pour prescrire, sinon elles devraient faire leur cours en médecine ou en pharmacie. J'ai travaillé avec les infirmières en CH, CHSLD et en enseignement, je les respecte dans ce qu'elles font mais je suis certaine qu'elles n'ont pas cette compétence. Cela ne fait pas partie de leur formation et de leurs habilités et compétences.»«Acte trop important pour le laisser à des tiers.»«Elles ne maîtrisent pas bien les interactions médicamenteuses et les contre-indications.»«Avec une formation aussi peu élaborée en pharmacothérapie, je conçois mal qu'on accorde un privilège de prescription aux infirmières... Il me semble qu'elles ont déjà beaucoup à faire avec les actes qu'elles ont en ce moment. Inutile de leur en rajouter, surtout qu'elles ne sont PAS les PLUS COMPÉTENTES pour cela.»«Prescription = dignostic. Peut-on laisser au médecin le travail pout lequel il est formé ?»Le pouvoir de prescription est donc un sujet très épineux ces derniers temps. Les médecins, les pharmaciens et les infirmières disent tous que les uns et les autres ne savent pas prescrire, mais il semble que personne ne se soit vraiment arrêté sur ce qu’est prescrire...Les gens parlent occasionnellement « d’ordonnance » comme étant un ordre de la part du médecin que les autres professionnels de la santé doivent exécuter en courbant l’échine et sans broncher.De nos jours, les « nouvelles » pratiques d’interdisciplinarité et la reconnaissance des champs de compétence de chacune des professions médicales et paramédicales a fait naître le terme prescription qui se définit plus comme étant la permission d’effectuer un acte si le jugement du professionnel qui la recoit considère l’acte comme approprié.Ainsi, un pharmacien qui reçoit une prescription d’antibiotiques pourrait refuser de servir s’il juge qu’il y a interraction avec le reste du profil pharmacologique. Il pourra bientôt (selon le projet de loi 41) modifier la dose, par exemple, en fonction du poids du patient.Mais les prescriptions ne se limitent pas à la médication. Les exemples suivants sont également des prescriptions :Limiter apport en liquide à 1500 ml/jour;Utilisation de mesures de contention PRN si agitation et risque de violence;INR dans 2 jours;Pansement à ions d’argent ID;Ne pas débrider;Glycémie A/C;Tension TID x 3 jours, BID x 3 jours puis ID x 3 jours, réévaluer par la suite;Culture de plaie;Sonde à demeure si résidus > 500 ml.Avez-vous remarqué que je n’ai pas utilisé de médicaments dans mes exemples de prescriptions?Je suis à 100 % d’accord que les infirmières ne sont pas les mieux placées pour prescrire des médicaments. Nous n’avons pas étudié là-dedans. Mais les pharmaciens ne sont pas mieux placés lorsqu’il est question des autres traitements et tests de laboratoire.Laissez-moi tout de même vous faire part d’un vieux rêve :Le médecin voit un patient, diagnostique une MPOC et fait ses prescriptions d’usage dont :« Antibiothérapie si signe d’infection des voies respiratoires. »L’infirmière se rend au domicile du patient pour un suivi régulier. À l’auscultation pulmonaire, elle constate une anormalité au lobe inférieur droit, anormalité qui ne fait pas partie de la « normalité » du patient. De plus, au questionnaire, il est question de toux, d’expectorations colorées verdâtres.Un appel au pharmacien l’avisant de signes d’infection des voies respiratoires. Plus tard, le traitement débute. Celui-ci n’aurait pas pu être débuté sans l’évaluation de l’infirmière, mais le choix de la molécule n’aurait pas pu se faire sans les connaissances pharmacologiques du pharmacien. Un avis est envoyé au médecin qui décidera s’il désire rencontrer le patient ou pas.Dans l’autre sens, le pharmacien ou le médecin pourraient faire appel à notre expertise afin de déterminer le suivi chez certains patients. Si nous pouvons constater des signes d’infection des voies respiratoires et aviser la pharmacie, le pharmacien ne pourrait-il pas lui aussi demander une évaluation des signes d’infections chez un patient qu’il considère suspect ? Et le médecin ne pourrait-il pas laisser aller le patient au CLSC avec une prescription du type « otoscopie et lavage d’oreille si indiqué dans deux semaines » ?Bien entendu, là, on va jouer à « Pas dans ma cours »... L’urgence ne voudra pas ausculter tous les patients qui sortent de la pharmacie d’en face et c’est prévisible. Le CLSC ne pourra pas subvenir à la demande sans déborder. La pharmacie ne voudra pas honorer une prescription si le patient n’a pas déjà son dossier dans cette succursale.Mais vous savez quoi ? C’est une démarche qu’il va falloir régler un jour ou l’autre. Si on en croit les dernières remarques du secrétaire du Collège des médecins, les infirmières vont avoir un rôle dans le pouvoir de prescription des pharmaciens.Peut-être y aura-t-il des balises nous concernant dans l’autorisation d’initier une thérapie pour des conditions mineures. Peut-être faudra-t-il exclure certains signes afin de confirmer l’aspect mineur de la condition et ainsi autoriser le pharmacien à faire son travail.Je sens que ça va brasser en 2012... Bonne année à tous !

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VINCENT DORVAL