La pollution de l’air associée aux mutations liées au cancer du poumon chez les non-fumeurs

Entre 10 à 25% des quelque 2,5 millions de cas annuels de cancer du poumon dans le monde concernent des personnes qui n’ont jamais consommé de tabac. Les femmes et les populations asiatiques sont généralement surreprésentées dans ces cas, qui touchent aussi particulièrement les populations en Asie de l’Est et en Europe de l’Est. Pour évaluer l’effet de la fumée secondaire et de la pollution atmosphérique sur les mutations associées au cancer du poumon chez les non-fumeurs, les chercheurs de l’étude Sherlock-Lung ont séquencé le génome tumoral de 871 personnes atteintes du cancer du poumon et issues de 28 régions géographiques ayant différents niveaux de pollution. La majorité des participants étaient des femmes (79%) et présentaient un adénocarcinome (84,6%). La pollution a principalement été estimée à partir de données satellitaires et au sol, avec un seuil de 20 µg/m³ de particules fines (PM2,5). Des modèles de régression logistique et linéaire multivariés ont été utilisés pour évaluer le lien entre les mutations somatiques et divers facteurs cliniques et environnementaux. La pollution atmosphérique, un facteur mutagèneLes patients vivant dans les régions les plus polluées présentaient davantage de mutations, notamment sur le gène TP53, et d’un raccourcissement des télomères, des marqueurs du vieillissement cellulaire. Les chercheurs y ont également observé une augmentation par 3,9 de la signature SBS4, habituellement associée aux dommages causés par la fumée du tabac, ainsi qu’augmentation de 76% de l’activité de la signature SBS5 liée à l’accumulation progressive de mutations. Les chercheurs suggèrent que la pollution pourrait stimuler la multiplication des cellules pulmonaires, favorisant l’apparition de mutations.À lire aussi: De plus en plus de non-fumeurs atteints d'un cancer du poumonLes profils de mutations variaient aussi selon les régions. Les mutations du gène KRAS étaient 3,8 fois plus fréquentes (IC 95% : 1,8–9,6) en Amérique du Nord et en Europe qu’en Asie, tandis que celles des gènes EGFR (OR 3,0 IC à 95% 2,2–4,2) et TP53 (OR 1,64 IC 95% 1,2–2,3) étaient plus fréquentes en Asie de l’Est. La signature mutagène SBS40a représentait à elle seule 28,2% des substitutions dans les adénocarcinomes. Enfin, une signature génétique particulière liée à une toxine végétale, la SBS22a, a été retrouvée presque exclusivement à Taïwan.«Ces résultats indiquent l'existence d'un processus mutagène mondialement répandu et jusqu'alors méconnu,» écrivent les auteurs dans l’étude. «Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour identifier la cause sous-jacente du SBS40a, qui apparaît désormais comme un processus méritant d'être étudié en détail.» En revanche, la fumée secondaire semblait avoir un effet beaucoup plus modeste. Parmi les 250 patients exposés à la fumée secondaire, seuls trois (1,2%) présentaient la signature SBS4 associée au tabac, et la légère augmentation de mutations (8,3%) n’était pas statistiquement significative. À consulter: Cancer du poumon: la malbouffe dans la ligne de mireLes auteurs soulignent que des études futures seront nécessaires pour valider le rôle de la pollution atmosphérique en tant que facteur déclencheur de mutations génétiques et de processus inflammatoires. Références: Díaz-Gay, M., Zhang, T., Hoang, P.H. et coll. The mutagenic forces shaping the genomes of lung cancer in never smokers. Nature 644, 133–144 (2025). https://doi.org/10.1038/s41586-025-09219-0Sun, S., Schiller, J. H. & Gazdar, A. F. Lung cancer in never smokers—a different disease. Nat. Rev. Cancer 7, 778–790 (2007).Bray, F. et al. Global cancer statistics 2022: GLOBOCAN estimates of incidence and mortality worldwide for 36 cancers in 185 countries. CA Cancer J. Clin. 74, 229–263 (2024).

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