La langue, cause de prescriptions inadaptées en Ontario

Les francophones et les allophones vivant dans des établissements de soins de longue durée de l’Ontario risquent davantage de se faire prescrire à tort des antipsychotiques que les patients anglophones, selon une étude de l’Université d’Ottawa publiée vendredi, qui rappelle l’importance de la concordance linguistique dans les soins comme déterminant social de la santé.À consulter: La santé mentale au Canada serait «trois fois plus précaire» qu'avant la pandémieSelon l’étude, les francophones en situation de discordance linguistique avaient un taux de prescription d’antipsychotiques potentiellement inappropriée 15% plus élevé que les anglophones. Cette proportion s’élevait à 11% du côté des allophones.«Quand il s’agit de comportements de santé mentale, la langue est importante. S’il y a une incompréhension entre le patient et la personne traitante, il risque d’y avoir plus d’erreurs de communication et [de] prescriptions potentiellement inappropriées», note la Dre Lise Bjerre, autrice principale de l’étude et titulaire de la Chaire en médecine familiale de l’Université d’Ottawa et de l’Institut du savoir Montfort.Les antipsychotiques sont prescrits dans le traitement de la schizophrénie sur une courte durée pour atténuer des symptômes comportementaux ou psychologiques de la démence, comme l’agitation ou l’agressivité. «Par contre, souvent ces médicaments sont consommés sur une plus longue période, et là, ça devient inapproprié», explique la Dre Bjerre.À consulter: Les problèmes de communication peuvent être le signe d'un trouble de la santé mentaleSécheresse de la bouche, étourdissements, pertes d’équilibre qui causent des chutes, somnolence, risque d’infection de la vessie, diabète et augmentation du risque d’accident cardiovasculaire… Les effets secondaires ne sont pas «bénins», note la chercheuse. Et les personnes âgées y sont plus sensibles.L’importance de la concordance linguistique«De plus en plus d’études soutiennent l’importance de la concordance linguistique dans les soins de santé comme étant un déterminant social de la santé. […] Ce n’est pas parce que les patients se font moins bien traiter, c’est parce qu’il y a des barrières au niveau de la communication», explique la Dre Bjerre.L’étude a été réalisée auprès de 200 000 résidents de foyers de soins de longue durée publics en Ontario — l’équivalent des CHSLD au Québec — sur dix ans grâce à des données publiques sur la langue de préférence de soins des patients et les prescriptions pharmaceutiques. Parmi eux, 58,7% des francophones et 22,7% des allophones obtenaient des services dans leur langue.La prescription d’antipsychotiques pour tout patient n’ayant pas de diagnostic de schizophrénie était jugée «potentiellement inappropriée». L’utilisation sans diagnostic peut être appropriée, bénéfique ou nécessaire dans certaines situations. Les chercheurs ne pouvaient pas émettre un jugement. Les bases de données ne donnaient pas d’information sur le contexte, la situation ou le comportement du patient.À lire aussi: Santé mentale: les hommes demandent toujours moins d'aide que les femmesLa Dre Bjerre rappelle que plusieurs solutions existent, comme la formation en français du personnel, le jumelage du patient avec des prestataires de soins qui parlent sa langue et l’offre de services d’interprétation.«Une façon de faire, ce serait d’inclure la langue de préférence du patient sur la carte de santé, comme c’est le cas à l’Île-du-Prince-Édouard», note la chercheuse.Actuellement, le gouvernement ne consigne ni la langue de préférence de la population pour les services de santé ni les langues parlées par les prestataires de soins. Avoir une telle information ouvrirait pourtant un éventail de possibilités d’études. «On ne serait plus limités à étudier de petites populations, comme les patients en soins de longue durée, qui sont importantes, mais qui ne représentent pas la population générale», conclut la Dre Bjerre.

La langue, cause de prescriptions inadaptées en Ontario

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