Insuffisance cardiaque à FE préservée: des bénéfices cliniques avec les GLP-1

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (HFpEF) est devenue l’un des angles morts de la cardiologie moderne. Son incidence accrue est corrélée à l’essor de l’obésité et du diabète de type 2, avec des symptômes plus lourds, une capacité fonctionnelle réduite et un risque accru d’hospitalisation. Or les possibilités de traitement demeurent limitées. C’est le constat posé d’emblée par les auteurs d’une étude publiée dernièrement dans le JAMA Network: «L’insuffisance cardiaque à FE préservée est devenue le type le plus fréquent d’insuffisance cardiaque (…) malgré ce profil à haut risque, les options thérapeutiques restent limitées.»Pourquoi ces chercheurs du Brigham and Women’s Hospital, à Boston, et de la Harvard Medical School ont mené cette étude? Parce que les essais STEP-HFpEF DM portant sur les bénéfices cardiaques du sémaglutide et SUMMIT portant, quant à lui, sur le tirzépâtide avaient surtout montré des gains symptomatiques, mais trop peu d’événements cliniques majeurs pour influencer les recommandations thérapeutiques. Les auteurs ont donc cherché à obtenir des données de vie réelle portant sur des critères durs, comme les hospitalisations pour insuffisance cardiaque ou la mortalité toutes causes.À lire aussi: Prégabaline vs gabapentine: une nouvelle étude compare le risque d'insuffisance cardiaquePour y parvenir, ils ont bâti cinq cohortes observationnelles en émulation d’essais randomisés qu’ils ont ensuite élargies afin de refléter des patients traités en pratique courante. Les nouveaux utilisateurs de sémaglutide, de tirzépâtide ou de sitagliptine ont été suivis durant 52 semaines, avec analyses ajustées par scores de propension visant un critère principal combinant hospitalisation pour insuffisance cardiaque et mortalité toutes causes.Les résultats sont nets. Comparé à la sitagliptine, le sémaglutide est associé à une réduction substantielle du critère principal: rapport de risque (HR, pour hazard ratio) 0,58; intervalle de confiance (IC) à 95% 0,51-0,65. Le tirzépâtide affiche pour sa part un HR de 0,42 (IC à 95% 0,31-0,57). Dans la comparaison directe, il n’y a pas de différence avérée entre le tirzépâtide et le sémaglutide: HR 0,86 (IC à 95% 0,70-1,06). «Chez les patients atteints d’HFpEF cardiométabolique, le sémaglutide et le tirzépâtide montrent plus de 40% de réduction du risque (…) et le tirzépâtide n’a pas montré de bénéfice significatif par rapport au sémaglutide», soulignent les auteurs.Fait notable, l’effet des deux GLP-1 apparaît tôt, «souvent avant une perte de poids significative ou une titration complète», suggérant des mécanismes dépassant la seule réduction pondérale. L’auteur principal, le Dr Nils Krüger en déduit que ces médicaments «pourraient offrir des bénéfices substantiels aux patients souffrant d’obésité et de diabète de type 2 en réduisant les issues défavorables d’insuffisance cardiaque».À lire aussi: Quels liens entre insuffisance cardiaque et vieillissement du cœur?Usage hors indicationDans la discussion, les auteurs insistent sur la cohérence d’ensemble: signaux reproductibles, concordance essais-vie réelle, et bénéfices observés précocement. Ils suggèrent un intérêt de classe pharmaceutique plutôt que moléculaire et une fenêtre thérapeutique potentiellement plus tôt dans le parcours. Toutefois, ils rappellent que l’absence de randomisation, l’inférence d’adhérence et des variables cliniques manquantes imposent de rester prudents, même s’il leur semble «peu probable qu’une confusion résiduelle explique la magnitude des associations observées».Découvrez aussi: Cœur + AVC lance un nouvel outil en ligne pour connaître ses facteurs de risqueÀ ce stade, l’usage du tirzépâtide et du sémaglutide dans le traitement de l’HFpEF demeure hors indication. Mais l’alignement entre essais et vie réelle, l’ampleur des cohortes et la cohérence des résultats militent pour des essais confirmatoires centrés sur des critères durs. En attendant, ces données invitent à considérer les deux GLP-1 chez des patients HFpEF présentant obésité et diabète, lorsque l’arsenal conventionnel ne suffit pas. «Ces résultats (…) soutiennent l’utilisation du sémaglutide et du tirzépâtide chez les patients atteints d’HFpEF cardiométabolique», concluent les auteurs.RéférenceKrüger N, Schneeweiss S, Fuse K, et coll. Semaglutide and Tirzepatide in Patients With Heart Failure With Preserved Ejection Fraction. JAMA. 2025;334(14):1255–1266. doi:10.1001/jama.2025.14092

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