Deux nouveaux antibiotiques contre les «superbactéries» produits par l’IA: c’est prometteur, mais il ne faut pas s’emballer

Des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont utilisé l'intelligence artificielle (IA) pour concevoir deux nouveaux antibiotiques efficaces contre les bactéries résistantes aux antibiotiques, ou «superbactéries»1.Il s'agit d'une avancée potentiellement prometteuse, mais il est important de noter que plusieurs obstacles restent à surmonter avant que ces antibiotiques puissent être utilisés dans le monde réel. Et si cela se concrétise, cela prendra probablement plusieurs années.Comment les chercheurs ont-ils exploité l'IA pour développer ces antibiotiques? Quelles superbactéries cibleront-ils? Et que se passera-t-il ensuite?La résistance aux antibiotiques est une menace sanitaire mondialeLa surconsommation fréquente d'antibiotiques en médecine et en agriculture a entraîné l'apparition de nouvelles souches bactériennes résistantes à un nombre croissant d'antibiotiques. Cette crise mondiale de santé publique rend le développement de nouveaux antibiotiques un défi majeur.Les superbactéries résistantes aux antibiotiques contribuent à environ 5 millions de décès chaque année dans le monde et sont directement responsables de plus de 1,2 million de décès.À lire aussi: La résistance aux antibiotiques remonte à plusieurs millions d’années: quels enseignements en tirer?On estime que les infections par superbactéries pourraient entraîner une perte de production économique mondiale équivalente à plus de 2300 milliards de dollars canadiens d'ici 2050.La résistance aux antibiotiques est également un problème d'inégalité croissant, de nombreux pays pauvres n'ayant pas accès aux nouveaux antibiotiques pour lutter contre les bactéries résistantes.Cibler deux superbactéries clésLes chercheurs ont donc utilisé l'IA pour concevoir des antibiotiques contre deux superbactéries importantes: Neisseria gonorrhoeae et Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline (SARM).N. gonorrhoeae est responsable de la gonorrhée, une maladie sexuellement transmissible (MST), qui a développé une forte résistance aux antibiotiques ces dernières années. L'incapacité à la traiter efficacement a contribué à sa propagation rapide. Plus de 82 millions de nouveaux cas ont été recensés en 2020, principalement dans les pays en développement.Le SARM est une souche résistante de la bactérie Staphylococcus aureus (souvent appelée «staphylocoque doré»). S. aureus peut provoquer des infections cutanées ou de graves infections du sang et des organes. On estime que les patients atteints de la souche résistante de SARM ont 64% de risque supplémentaire de mourir des suites d'une infection.Pour relever ces défis, l'équipe du MIT a exploité l'IA générative de deux manières.Qu'ont fait les chercheurs?L'équipe de recherche a entraîné un algorithme d'IA, appelé réseau neuronal d'apprentissage automatique, à l'aide de structures chimiques. On peut comparer cela à la manière dont un modèle linguistique d'IA serait entraîné à l'aide de mots.La première approche, utilisée pour la gonorrhée, consistait à analyser une vaste base de données de composés existants ayant démontré une activité antibiotique contre N. gonorrhoeae. L'algorithme d'IA utilisait ensuite les structures chimiques de ces composés comme des «graines» et les développait, générant de nouveaux composés en les associant une à une.Cette approche a permis d'identifier 80 nouveaux composés candidats, dont deux ont pu être synthétisés chimiquement (ce qui permettait aux scientifiques de les fabriquer en laboratoire). Finalement, l'un d'eux s'est révélé très efficace2 contre N. gonorrhoeae. Il a permis de tuer la bactérie sur boîte de Petri et dans un modèle murin.Ne manquez pas: La résistance aux antimicrobiens est devenue une urgence mondiale, il faut réagir avant qu’il ne soit trop tardLa deuxième approche, utilisée pour le SARM, est partie de zéro, en utilisant uniquement des structures chimiques simples comme l'eau et l'ammoniac pour alimenter l'algorithme d'IA. L'algorithme a ensuite prédit les structures chimiques capables d'interagir efficacement avec les vulnérabilités des défenses cellulaires de la bactérie et a ainsi produit des composés antibiotiques entièrement nouveaux.Sur environ 90 candidats, 22 ont été synthétisés et testés en laboratoire2. Six composés ont montré une forte activité antibactérienne contre le SARM dans une boîte de Petri. Le composé le plus prometteur a éliminé avec succès une infection cutanée à SARM dans un modèle murin.Avantages et défisUn élément important de cette recherche réside dans le fait que les deux nouveaux antibiotiques sont non seulement novateurs par leur structure, mais aussi par leurs mécanismes d'action (autrement dit, leur action contre les bactéries).Le développement d'antibiotiques repose traditionnellement sur l'amélioration d'antibiotiques existants. On espère que ces molécules générées par l'IA, dotées de mécanismes d'action entièrement nouveaux2, les rendront plus difficiles à échapper à la gonorrhée et au SARM.Avant cette recherche, l'IA était principalement utilisée pour le développement d'antibiotiques afin de réduire les bibliothèques de composés existants ou de modifier les structures chimiques de médicaments actuellement utilisés3.Bien que ces travaux soient très prometteurs, plusieurs obstacles subsistent. Les deux antibiotiques doivent faire l'objet de tests rigoureux de sécurité et d'efficacité chez l'homme, dans le cadre d'essais cliniques, ce qui prendra plusieurs années et nécessitera un financement important.Un autre défi pourrait être financier. Ces antibiotiques étant destinés à être utilisés comme médicaments de «dernier recours» pour préserver leur efficacité, leur utilisation sur le marché sera limitée. Cela limite l'incitation financière des entreprises pharmaceutiques à investir dans leur développement et leur production.Néanmoins, ces travaux marquent une étape importante dans la découverte de médicaments et illustrent la manière dont l'IA pourrait révolutionner la lutte contre les maladies infectieuses à l'avenir.Cet article est republié à partir du site The Conversation sous licence Creative Commons.Références: Krishnan A et coll. A generative deep learning approach to de novo antibiotic design. Cell. Publié en ligne le 14 août 2025. DOI: 10.1016/j.cell.2025.07.033Trafton A. Using generative AI, researchers design compounds that can kill drug-resistant bacteria. MIT News. Publié en ligne le 14 août 2025 [consulté le 11 septembre 2025].Branda F, Scarpa F. Implications of Artificial Intelligence in Addressing Antimicrobial Resistance: Innovations, Global Challenges, and Healthcare’s Future. Antibiotics. 2024; 13(6):502. https://doi.org/10.3390/antibiotics13060502

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