Cancer de la prostate: l’essai EMBARK ouvre une nouvelle voie

Le cancer de la prostate demeure le cancer le plus souvent diagnostiqué chez les hommes, représentant près d’un nouveau cas de cancer sur cinq au pays. On estime qu’un Canadien sur huit en recevra le diagnostic au cours de sa vie et qu’un sur trente en mourra. Parmi ceux traités par chirurgie ou radiothérapie, une proportion importante présente ensuite une récidive biochimique. Comme le soulignent les auteurs de l’essai EMBARK, «le risque de métastases et de mortalité liée au cancer de la prostate est étroitement associé à un temps de doublement du PSA [l’antigène prostatique spécifique, NDLR] court». C’est au sein de cette population à haut risque que cet essai clinique, dont les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine, ouvre une véritable perspective d’espoir.EMBARK est un essai international de phase 3 mené auprès de 1068 hommes présentant une récidive biochimique à haut risque, définie par un temps de doublement du PSA inférieur ou égal à neuf mois. Tous avaient un cancer encore sensible à la castration et aucune métastase détectable au CT-scan ou à la scintigraphie osseuse. Les participants ont été répartis en trois groupes: enzalutamide en monothérapie (un inhibiteur du récepteur des androgènes qui bloque plusieurs étapes de la signalisation androgénique); enzalutamide associé à la leuprolide (un agoniste de la LHRH utilisé pour induire une castration médicale); et leuprolide seul. Le résultat principal portait sur la survie globale, évaluée après un suivi médian de 60,7 mois, un critère majeur à un stade où aucun traitement n’avait encore démontré de bénéfice.Les résultats d’EMBARK sont sans équivoque. L’association enzalutamide-leuprolide réduit de manière significative la mortalité chez les hommes présentant une récidive biochimique à haut risque. Après un suivi médian de 60,7 mois, les auteurs rapportent «une réduction significative du risque de décès d’environ 40%». Cette intensification hormonale permet d’obtenir une survie à huit ans nettement supérieure à celle observée avec la leuprolide seule. Les données clés sont les suivantes:mortalité: rapport de risque (HR pour hazard ratio) 0,60 (intervalle de confiance [IC] à 95% 0,44-0,80);survie globale à huit ans: 78,9% sous traitement combiné vs 69,5% sous leuprolide seul;enzalutamide en monothérapie: HR 0,83 (IC à 95% 0,63-1,10).S’ils affirment que leur essai constitue la «première démonstration d’un bénéfice en survie globale à ce stade de la maladie», les auteurs rappellent toutefois que ces résultats doivent être interprétés avec prudence. D’abord parce que l’essai repose sur une imagerie conventionnelle – essentiellement un CT-scan et une scintigraphie osseuse – alors que l’imagerie moléculaire de nouvelle génération, comme le TEP-scan au PSMA (un traceur ciblant l’antigène membranaire prostatique spécifique), identifie plus tôt de très petites métastases. Plusieurs patients classés «non métastatiques» au moment de l’inclusion auraient donc pu être reclassés autrement avec un TEP-PSMA, ce qui peut influencer l’ampleur apparente du bénéfice.À lire aussi: Cancer de la prostate métastatique résistant à la castration: actualisation des lignes directrices canadiennesUn bénéfice réel, un coût significatifPar ailleurs, l’enzalutamide demeure un traitement onéreux. Dans un avis rendu en 2019, l’INESSS estimait le coût par patient en première année d’un traitement combinant enzalutamide et thérapie de privation androgénique à 85 495$. Cet avis portait exclusivement sur l’utilisation de l’enzalutamide dans le cadre du cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration (CPRCnm), et non pas dans celui d’une récidive biochimique sensible à la castration comme dans EMBARK. Malgré ce coût élevé, l’INESSS recommandait néanmoins l’inscription du médicament comme traitement d’exception, compte tenu de l’absence d’alternative efficace pour ce sous-groupe de patients. Les résultats d’EMBARK pourraient ainsi relancer la réflexion: en démontrant un bénéfice clair de survie globale à un stade plus précoce, l’étude soulève la question d’une potentielle extension d’indication, à condition qu’une nouvelle évaluation clinique et économique soit soumise.Enfin, les effets indésirables ne sont pas anodins. Les plus fréquents incluent fatigue, bouffées vasomotrices, diarrhée, hypertension, troubles cognitifs légers, prise de poids et risque accru de chutes. L’enzalutamide peut aussi provoquer des effets plus rares mais potentiellement délétères, dont convulsions, neuropathies, réactions cutanées sévères et toxicités hépatiques.Cela dit, «intervenir plus tôt dans l’histoire naturelle de la maladie pourrait offrir un avantage durable», insistent les chercheurs d’EMBARK. Dans un contexte où le Québec repense l’accès aux soins spécialisés et la trajectoire des patients atteints de cancer, cette idée prend un relief particulier.Référence:Shore ND, Luz MA, De Giorgi U, et coll. Improved Survival with Enzalutamide in Biochemically Recurrent Prostate Cancer. N Engl J Med. 19 octobre 2025. doi: 10.1056/NEJMoa2510310.

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