«31, 41, 67, pis quoi encore…»

«N’en jetez plus, la cour est pleine» est une expression qui résume probablement la pensée de plusieurs pharmaciens à l’aube du projet de loi 67. Je peux le comprendre, un nouvel élargissement des possibilités/actes/droits pour les pharmaciens sonne, pour beaucoup d’entre nous, comme une augmentation d’une charge de travail déjà très importante. Mais devrait-on freiner l’évolution de la profession à cause de la conjoncture en pharmacie?Je pense que toute évolution qui permet aux pharmaciens d’utiliser leurs compétences est bonne à prendre. D’autant que ce projet de loi est davantage un outil pour lever des contraintes légales et permettre aux pharmaciens de gérer eux-mêmes l’évolution de leur profession. «L’autodétermination de la profession» est un concept qui me plaît énormément. Je vois également un bel allégement de l’aspect technico-administratif pour les pharmaciens en établissement et ceux en GMF. Bref, beaucoup de positif dans tout cela.Cela dit, ça ne résout pas l’enjeu, bien réel, de la charge de travail.De mon point de vue, le financement est bien plus problématique que la charge de travail. Tant que les activités de distribution traditionnelle seront plus rentables que de poser des actes cliniques, on n’avancera pas. Comme les «anciennes tâches» ont une valeur et doivent continuer d’être faites, et bien faites de surcroît, il va de soi que la rémunération des nouvelles activités doit venir d’un financement additionnel et non d’une «redistribution de l’enveloppe». Mais cette problématique ne doit pas pour autant freiner l’évolution de la profession. C’est à l’AQPP de négocier avec le MSSS, et si les conditions ne sont pas satisfaisantes, il faudra refuser de les déployer, voilà tout.Plus d’argent ne fera pas pousser des pharmaciens dans les arbres, j’en conviens. Cela permettrait aux milieux de mieux s’équiper (en matériel et en ressources humaines) pour libérer du temps nécessaire pour des actes que seuls les pharmaciens peuvent faire. Pour mes collègues pharmaciens salariés du milieu communautaire qui se disent qu’une meilleure rémunération de leur patron ne changera pas leurs conditions de travail, je vous rappelle qu’en ce moment vous avez «le gros bout du bâton». Négocier un meilleur salaire c’est bien, mais négocier une optimisation de ses conditions de travail, c’est, de mon point de vue, encore mieux. Et quand tout sera optimisé, il nous restera à apprendre le plus difficile: savoir dire non, comme le disait Alice Collin dans le précédent éditorial.Que font les médecins, les psychologues, les dentistes, etc., quand leur horaire déborde? Ajoutent-ils des rendez-vous jusqu’à faire 12 heures par jour, 7 jours par semaine en se plaignant de la charge de travail? Pas sûr…«Nous ne prenons pas de nouveau patient». Avez-vous déjà vu cette affiche dans une pharmacie ? En quoi notre situation est-elle si différente de celle des autres professionnels?La concurrence, quasiment inexistante au sein des autres professions de la santé, reste très ancrée dans la pharmacie communautaire. On veut toujours plus de patients, que l’on associe à plus de bénéfices, mais, a contrario, on associe plus d’actes cliniques à plus de travail. C’est cette dichotomie, le problème. Pourtant, le patient et ses besoins de santé sont un tout. Peut-être est-il temps de voir plus loin que le «médicament» et passer à une rémunération plus cohérente avec une prise en charge globale du patient. Ce n’est pas simple, j’en conviens. Il y a quelques années, on parlait d’un honoraire variable selon la complexité du médicament, mais on pourrait aller plus loin et même imaginer une portion d’honoraire par capitation (c’est-à-dire selon le nombre de patients), ajustée selon leur complexité. Le fameux «nouveau modèle de rémunération» devrait permettre de rationaliser un peu tout cela, mais ira-t-il jusque-là? Pas certain. De toute façon, cela fait tellement longtemps qu’on nous en parle que, rendu là, je le croirai seulement quand je le verrai.

«31, 41, 67, pis quoi encore…»

Pour accéder au contenu, connectez-vous ou créez un compte gratuit.

More Blog Posts in This Series

Pouvoir dire oui, mais aussi apprendre à dire non

C’est une évidence

Chère planète

Derrière ce blogue:

Christophe Augé