Sous un même toit, soigner, enseigner et s’enraciner dans la communauté

Dans un climat morose où l’adoption sous bâillon de la loi 2 crispe la première ligne, une bonne nouvelle vient de Montréal-Nord-Est: un GMF-U couplé à un CLSC ouvre grand ses portes, moderne, interdisciplinaire et ancré dans la communauté. Sous un même toit, l’Université de Montréal (UdeM) et le CIUSSS du Nord-de-l’Île-de-Montréal misent sur un modèle qui réconcilie pratique, formation et sens — le tout au service d’un quartier défavorisé et longtemps sous-desservi. «Ce lieu arrive à point nommé. Il nous permet de répondre à la hausse des cohortes tout en formant des médecins dans des milieux porteurs de sens», résume la Dre Nathalie Caire Fon, vice-doyenne aux affaires pédagogiques et aux partenariats à la Faculté de médecine de l’UdeM.À l’origine du projet, un constat simple: Montréal-Nord-Est est un désert médical. «On a toujours eu de la difficulté à attirer des médecins de famille dans ce secteur, explique le Dr Marc Gagné, directeur adjoint à la direction médicale et des services professionnels du CIUSSS. En 2019, on s’est demandé comment on pourrait faire les choses autrement. L’idée d’un GMF universitaire est alors apparue: si on réussissait à y attirer des résidents, ils finiraient peut-être par aimer le milieu et s’y installer.»Pensé dès le départ comme une réponse à la fois clinique et communautaire, le projet s’est rapidement élargi. «L’Université de Montréal a tout de suite embarqué, et le projet a vite pris une ampleur incroyable. Tous les acteurs du quartier se sont impliqués: les groupes communautaires, les écoles, même les postes de police de quartier. C’est vraiment parti du terrain, d’une volonté collective d’amener la santé là où elle manquait», raconte le Dr Gagné.Ce GMF-U, le 21e du réseau de l’UdeM, est une réponse à la décision du gouvernement d’augmenter de 40% les admissions en médecine d’ici 2026, ce qui oblige les facultés à créer de nouveaux milieux d’enseignement. «Nous avions besoin de lieux capables d’accueillir cette relève tout en lui offrant un environnement de pratique qui a du sens, souligne la Dre Caire Fon. Former des médecins dans un quartier défavorisé, c’est aussi leur montrer que la médecine de famille est une médecine d’impact social.»Dès le 1er juillet 2026, cinq résidents y amorceront leur formation, rejoints par des externes à raison de deux par période, soit environ quatorze par année. Leur nombre augmentera progressivement au fil des ans, à mesure que l’équipe enseignante se consolidera. «On veut que ce soit un grand milieu d’enseignement, mais aussi un lieu humain, à échelle humaine», précise la Dre Caire Fon.À lire aussi: Préexternat en région: le bonheur est dans la proximité, et l’exposition cliniqueUn laboratoire d’interdisciplinaritéAu-delà de la formation médicale, le GMF-U de Montréal-Nord-Est se veut un véritable laboratoire d’interdisciplinarité. Sous le même toit, il réunit des services de médecine de famille, un CLSC, une clinique d’optométrie et une autre de dentisterie, en partenariat avec la Faculté de médecine dentaire et l’École d’optométrie de l’UdeM. «Ce qui est novateur ici, c’est que nos étudiants en médecine côtoieront des étudiants d’autres disciplines, explique la Dre Caire Fon. Cela va leur permettre d’apprendre concrètement à travailler autrement, en équipe, auprès d’une population qui a besoin de soins intégrés.»Le projet se distingue aussi par sa proximité avec la communauté. Une équipe de quartier sillonne les rues de Montréal-Nord-Est pour rejoindre les personnes réticentes à consulter. «Plutôt que d’attendre que les gens viennent à nous, on va vers eux, souligne le Dr Gagné. C’est une autre façon d’assurer l’accès aux soins, plus humaine, plus proactive.»Contrairement à d’autres projets similaires, celui de Montréal-Nord-Est n’a pas eu de difficulté à recruter ses médecins enseignants. «Dès que le projet est devenu concret, avec un lieu précis et une date d’ouverture, les jeunes médecins s’en sont parlé entre eux. C’est un milieu inspirant, porteur de sens, qui donne envie de s’y investir», souligne la Dre Caire Fon.Déjà, huit à dix médecins de famille ont rejoint l’équipe l’été dernier en prévision de l’arrivée de la première cohorte de résidents en juillet prochain. À terme, le GMF-U vise le statut de groupe de médecine de famille de niveau 3, capable de suivre entre 12 000 et 14 999 patients selon les critères du ministère de la Santé. «On a eu la chance d’attirer des cliniciens motivés, explique le Dr Gagné. Le défi, maintenant, ce sera de bien gérer la croissance, parce que la demande va vite dépasser nos prévisions.»À lire aussi: Horaires et charge de travail: ce qu'on demande aujourd’hui aux résidentsDes moyens pour innoverAvec ses locaux modernes, lumineux et spacieux, le GMF-U/CLSC de Montréal-Nord-Est a été conçu pour favoriser la collaboration et la formation interdisciplinaire. Le bâtiment de 2 800 m², entièrement réaménagé, abrite des espaces de soins, d’enseignement et de concertation adaptés aux besoins de la communauté et des équipes cliniques. «On a voulu un lieu complet, capable d’évoluer pendant dix ans, explique le Dr Gagné. C’est déjà un pôle de soins, mais aussi un espace d’apprentissage.»Les ressources sur place:GMF-U: 28 salles d’examen, 1 salle de chirurgie mineure, 2 salles de consultationCLSC: 5 salles d’examen, 12 salles de consultationÉquipements médicaux: ECG, échographe, électrocautère, doppler, bilirubinomètres, centrifugeuse, microscope, laryngoscope et plusieurs glucomètresÉquipe soignante: 6 médecins, 1 pharmacien, 1 travailleuse sociale, 1 infirmière auxiliaire, 2 infirmières cliniciennes, 2 infirmières praticiennes spécialisées en première ligne (IPS-PL)Équipe CLSC: 2 infirmières cliniciennes, 1 travailleur social, 2 infirmières en santé mentale (jeunesse et adulte), 1 éducatrice spécialisée, 2 techniciens en travail socialSoutien administratif: 4 agents d’accueil et de coordinationDans un contexte où les médecins de famille se disent épuisés et désabusés, le GMF-U de Montréal-Nord-Est veut faire figure d’exception. Porté par une vision de collaboration et de responsabilité sociale, il redonne espoir à une première ligne en quête de sens. «Ce projet montre qu’il est possible d’innover et de faire les choses autrement, affirme la Dre Caire Fon. Sous un même toit, on soigne, on enseigne et on s’enracine dans la communauté.»Pour le Dr Marc Gagné, ce modèle intégré pourrait inspirer d’autres régions. «On a misé sur l’interdisciplinarité, la proximité et la formation. C’est une formule gagnante, qui redonne du souffle à la pratique et rapproche les soins des gens qui en ont le plus besoin.»

Sous un même toit, soigner, enseigner et s’enraciner dans la communauté

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