Le 5 novembre dernier, François Paradis, député de la CAQ, a interpellé le ministre de la santé Gaétan Barrette sur la question légitime des délais pour obtenir une place en Centre d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD).Selon M. Paradis, quelque 3500 personnes âgées en perte d'autonomie attendent une place en CHSLD. Certaines, parfois depuis quatre ans. Le ministre a été pris de court par ces données et s'est montré surpris.Le manque de places est pourtant bien connu. Chaque jour, des centaines de patients attendent dans des centres hospitaliers ou à la maison pour une place en CHSLD, souvent en vain, parce que le système ne fournit pas.Délais d'attenteCe qui surprend, c'est l'allongement des délais d'attente. Et pour cause, au lieu de politiques orientées vers une population vieillissante, le ministre a choisi de restructurer les agences de santé, de mettre à pied des centaines d'employés du réseau, et de limiter les dépenses dans tous les secteurs du réseau.Lors des délibérations entourant le projet de loi 10 qui créait les Centres intégrés de santé et de services sociaux, plusieurs intervenants ont pourtant avisé le ministre que sa tentative de restructuration et de centralisation allait déplacer des montants assignés aux soins à domicile et aux soins de longue durée vers les établissements de santé. On le sait, lorsque les sommes ne sont pas allouées à des secteurs précis, elles sont alors permutées vers les secteurs d'activité ayant plus d'influence.L'ancien ministre de la Santé, le Dr Réjean Hébert, nous avait mis en garde. Lors d'une conférence en juin 2014, il avait prévenu que le système de santé allait dans la mauvaise direction et qu'un sérieux coup de barre était nécessaire. Nous avons présentement un réseau de la santé qui a été pensé dans les années 70 pour une population jeune et qui est inadapté au vieillissement de la population. Pour le Dr Hébert, il était impératif de le réorienter pour qu'il tienne compte de la réalité démographique.Lors de son bref passage au ministère de la santé, le Dr Hébert proposait trois grandes stratégies pour adapter le réseau au tsunami prévisible du vieillissement de la population.Premièrement, l'ancien ministre désirait mettre en place une importante politique nationale de prévention. Il voulait ainsi mettre l'accent sur les saines habitudes de vie, l'égalité des chances et l'environnement.La deuxième priorité visait la première ligne. Le Dr Hébert voulait revoir le cadre de gestion des GMF, s'assurer du suivi des patients et encourager une plus grande coordination entre les différents professionnels de la santé dans le suivi des maladies chroniques.Enfin, la pièce maîtresse était le soutien des personnes en perte d'autonomie en implantant une assurance pour les soins à long terme. Le projet de loi déposé par l’ancien ministre de la santé prévoyait une somme annuelle de 500 millions $ durant cinq ans pour l’élaboration de l’assurance autonomie.Soutien à l'autonomieL’assurance autonomie avait pour objet d’accorder aux résidents du Québec admissibles une allocation de soutien à l’autonomie afin qu’ils puissent bénéficier, quel que soit leur milieu de vie, de services favorisant leur autonomie.Il visait toutes les personnes âgées en perte d’autonomie, mais aussi les personnes présentant des incapacités en raison d’une maladie chronique, d’une déficience physique ou intellectuelle ou d’un trouble envahissant du développement.Des instances locales, par l'entremise de gestionnaires de cas, auraient eu la responsabilité d’élaborer, avec le patient ou son représentant, un plan de services prévoyant notamment l’attribution et l’affectation qui seraient faites de cette allocation de soutien à l’autonomie. Un financement public et une gestion publique avec des prestataires accrédités.Pour le Dr Hébert, il y a des inégalités de services selon les régions. Et nous avons besoin d'augmenter l'offre de services afin qu'il y ait une plus grande liberté et plus de choix dans le type de services offerts aux personnes en perte d'autonomie et aux proches aidants.Les défis du projet d'assurance autonomie étaient de prioriser les soins à domicile et les soins de longue durée, de développer un réseau d'entreprises d'économie sociale, d'encourager la collaboration entre les équipes multidisciplinaires et les organismes communautaires dans le suivi des clientèles vulnérables, et d'empêcher les permutations budgétaires vers les établissements de santé.Sous-financement des soins à domicilePrésentement, 15% des soins à domicile sont financés par l'État, tandis que les 85% restant sont financés par les personnes elles-mêmes et les proches aidants. Avec l'assurance autonomie, le Dr Hébert espérait augmenter le financement de l'État à 40%.Le projet d’assurance autonomie visait le déploiement des ressources dans la communauté pour prendre en charge des patients en dehors des établissements de santé.Dès sa nomination, le nouveau ministre de la santé Gaétan Barrette a abandonné le projet d'assurance autonomie et coupé les programmes de santé publique.L’organisation des soins et la prise en charge des patients passent par une gestion efficace de l’offre de services. Une gestion efficace nécessite, bien entendu, une vision, du personnel qualifié, des formations appropriées et des ressources adéquates.Cette offre de service ne peut donner les résultats escomptés si les ressources, tant à l’hôpital que dans la communauté, sont insuffisantes, peu développées et sous financées.Au delà de la partisanerie, le Dr Hébert demeure un chercheur important qui a mis beaucoup de temps et d'énergie à trouver des solutions aux problématiques des maladies chroniques et des soins de longue durée.Même si ses plans ont été contrariés avec l'arrivée du Dr Barrette au ministère de la Santé, il y a encore de l'espoir. En effet, avec l'élection du gouvernement libéral au fédéral, la donne pourrait changer, puisque le premier ministre Justin Trudeau a promis d'agir sur le front des soins à domicile. Ce dernier promet ainsi d'injecter jusqu'à 3 milliards de dollars sur 4 ans dans ce secteur.Dans une entente fédérale-provinciale, le gouvernement fédéral pourrait allouer des sommes d'argent à certains programmes et exiger en échange que les gouvernements provinciaux s'engagent à déployer une direction pour les soins à domicile et les soins de longue durée.On peut espérer que la Dre Jane Philpott, nouvelle ministre fédérale de la Santé, saura suivre la voie du Dr Hébert et, pour le bien-être des patients, trouver des idées novatrices, progressistes et modernes pour faire face aux nombreux défis de la santé.