Comme des millions de progénitures dans le monde, la mienne s’est mise à dessiner des arcs-en-ciel avec le mot d’ordre d’usage : « Ça va bien aller ! ». Je les crois !D’ordinaire plus discret quant à l’expression de mes convictions, là, je ne me suis pas gêné pour leur assurer le plus de visibilité à l’extérieur de la maison. Comme des drapeaux plantés en sol conquis. ÇA VA BIEN ALLER ! ARC-EN-CIEL ! Ils se sont aussi retrouvés sur ma bannière Facebook. Tiens, et pourquoi pas, je vous les montre ici.Oui, ça va bien aller et je les crois. Parce que contrairement à moi, les p'tits ne baignent pas 12 à 18 heures par jour, depuis maintenant une 27e journée consécutive dans cette rivière d'informations au sujet de la pandémie. Ils ont donc forcément une meilleure mise à terre.Vingt-sept jours à tout lire, tout écouter, tout analyser, tout confronter, tout douter, tendre l'oreille vers tous vos échos du front, à tout le moins, tous ceux que je réussis à capter.À relire quatre fois chacun des 12 rapports de 20 pages du London Imperial College Covid-19 Response team, produit pour l'Organisation mondiale de la santé depuis le début de l'affaire, juste pour être sûr d'en saisir chacune des nuances... Être confronté en continu à chacune des nouvelles, la plupart du temps plus mauvaises que les précédentes. Scénario avec mitigation, scénario avec confinement partiel, scénario avec confinement total, scénario avec Trump...Cette crue informationnelle, nécessaire pour accomplir la mission pour laquelle nous avons été désignés à Profession Santé, soit celle d'informer le mieux ceux dont la leur est de nous sauver le derrière et la vie - c'est-à-dire vous - ça finit par brouiller un peu du réel. Ça peut ne plus nous permettre de bien relativiser, mais surtout, de ne plus bien percevoir le «mood», cette ambiance collective plus ou moins intangible, qui permet de mesurer la température de l'eau et de juger du niveau d'optimisme à adopter.Malgré tout, à ce jour, même dans ce tourbillon, au milieu d’un train de vagues d’un rapide de catégorie 6, je réussis à encore percevoir le « mood » du réseau de la santé. C’est que j’ai déjà navigué en eaux troubles. Je sais éviter les pleureuses, ces rochers masqués par une fine couche d’eau vive qui, si on ne les esquive pas à temps, finissent par arracher des larmes. Et j’aime attaquer les rouleaux, masse d’écumes aux contours effroyables mais qui vous donne l’élan pour le prochain coup de pagaie.Ce que j’entends au bout du coude de mon bras de rivière, c’est que la vague est grosse, et le radeau, itou. Votre « mood », ou votre « vibe », selon le référent de culture populaire, demeure bon. Je vous sens combatifs.Face à chaque adversité administrative ou bureaucratique, je constate une réponse en forme d’initiative locale. De la Gaspésie à l’Outaouais en passant par les Laurentides, dans les quartiers centraux de Montréal, il y a un problème ? Un glitch ? Une solution locale est aussitôt mise en place. « On a appris à faire sans eux », m’a dit une source en parlant du MSSS. C’est clair. Et c’est pour ça que ça va bien aller.Les conseils et les échanges d’informations et de trucs entre collègues, d’un établissement à l’autre, d’une unité à l’autre, d’une région à l’autre, fusent dans les réseaux sociaux, plus encore dans nos articles issus de la communauté et dans les commentaires que vous y ajoutez. Cela témoigne d’un moral encore aussi solide qu’une digue.On sent par contre que l’appui à vos efforts venu d’en haut devra s’accélérer. Il n'y a aucun doute que la ministre de la Santé et des Services sociaux Danielle McCann a pris la mesure de l’événement. On peut se demander, néanmoins, si elle saisit le niveau de réaction qui est requis de sa part, afin de s’assurer que le réseau remplit son rôle de soutien aux troupes.Juste cette espèce de flottement qui perdure depuis trop de jours au sujet des équipements de protection sape la confiance des gens sur le terrain envers son leadership. Confiance qui, comme je l’ai écrit la semaine dernière, est essentielle dans le combat actuel.La ministre McCann assure parler quotidiennement avec les directions d’établissements et de centres de services. On connaît son style de management. Mais est venu peut-être le temps de se montrer plus ferme et directif.Les sorties de l’Association des professionnels et techniciens de la santé ou encore de la Fédération des infirmières du Québec laissent « présager que le point de bascule approche peu à peu, ne serait-ce qu’à cause de la fatigue accumulée. Ce n’est pas le moment d’atteindre le niveau de débordement général. Parce que là, ça n’ira pas du tout !